dimanche 5 décembre 2010

Paris/ Centre Culturel Suisse/jusqu'au 12/12/2010/ Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger « Comment rester fertile? »

Le titre de l'exposition invite au questionnement et les artistes mènent les visiteurs à la recherche d'une réponse par l'exploration de leur œuvre.
C'est ainsi que l'on aborde cette présentation, comme un appel à l'exploration.
La création de ces deux artistes suisses a été imaginée pour le lieu et constituée in situ pendant un mois. Tout l'espace du Centre Culturel Suisse est habité par une sorte de jungle prolifique, en constante transformation, construite grâce à la présence de plusieurs pièces reliée entre elles par le parcours d'exposition lui-même.
Composées par des forces, plus que par des objets, les dimensions de l'ensemble emplissent chaque salle de telle sorte que le spectateur doit se déplacer, déambuler, se baisser et s'allonger pour éprouver les installations avec le corps et non par les seuls yeux.
Les différents pièces présentées, construites à partir de matériaux de récupération de toute sorte et par des complexes système de tuyaux, fils de fer et branches végétales, semblent proliférer par elles-mêmes, sans formes prédéfinies, suivant un principe d'extension infini, comme autant de métamorphoses en devenir continuel, dont l'on peut observer un état suspendu et éphémère.
Vaisselle en plastique et en verre, conteneurs, restes de nourriture, plantes, tissus, papier, tuyaux et rubans de toute sorte, petits objets et fleurs en plastique forment une véritable accumulation de détails d'où se dégage une force mystérieuse qui remplit l'espace de manière inattendue et surprenante. La matière devient fluide et légère, tous les éléments fusionnent en un univers en mouvement et le spectateur est entraîné vers des formes ouvertes et irrégulières.
Grâce à l'intégration de plusieurs vidéo, projetés sur différents types de supports souvent en mouvement (murs, tissus, rideaux...), l'espace même « advient », se métamorphose d'une forme à une autres, au fil des images en mouvement permanents.
La force de l'ouvre plastique réside ici dans le fait de manifester cette force de fertilité, qui normalement est invisible, par le biais d'une exposition où la dimension du temps joue un rôle important.
D'un côté, le temps de préparation et de montage des installations, qui nécessitent souvent d'un long et minutieux travail. Juste avant, le temps de la conception prends fréquemment la forme du voyage: des longs mois où les deux artistes vont à la rencontre d'un pays et cherchent à savoir comment les gens travaillent la terre, comment ils la cultivent, comment ils entretiennent leurs jardins, leurs parcs, leurs cimetières. Lors de ces voyages les deux artistes ont l'habitude de collecter tous les objets qui les étonnent et qui trouveront ensuite leur place dans les installations.
Il y a après le temps de l'entretien de l'exposition, de ses organismes, de ses cristaux et de ses cellules, comme un jardinier dans son jardin ou un chimiste dans son laboratoire.
Le temps présent du visiteurs coïncide avec la suspension d'un parmi les instants infinis de métamorphoses, d'accroissements, de changements de couleur et de forme, de stades différents de germination et d'ornement dynamique. 
 
A l'égard de la récupération et de l'accumulation, les œuvres de Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger s'inscrivent dans l'histoire des pratiques des années 1960-1970, quand les artistes se servaient d'objet communs tantôt pour en faire surgir une poétique du quotidien, tantôt pour critiquer la société de consommation qu'il représentaient.
La poétique du détournement artistique de l'objet issu du quotidien est toujours présente, mais la thématique et les questionnements engendrés par ces œuvres suivent plus la direction de l'évocation que de la représentation.
Avec la création de cet étrange espace peuplé par de formes dégageant énergie, les artistes se proposent de questionner la notion de fertilité, notion souvent associée aux engrais chimiques, à la surpopulation et à l’insémination artificielle, mais qui évoque surtout l’énergie première dont découle toute forme de vie.
Leurs œuvres « ne représentent rien », mais créent matière et énergie, tout comme des êtres vivants qui grandissent, respirent et produisent toxines et déchets, tout en modifiant leur forme et celle de leur environnement et tout en créant d'autres êtres vivants et d'autres réalités.
Le lien avec la fertilité de l'imagination est ici évident: comme la fécondité de la terre, des plantes, des animaux et des humains, elle est, à l'époque où l'on vit, réglementée, normée et souvent interdite. L'enjeu est celui de démontrer qu'au-delà des règles dangereuses pour la fantaisie, l'énergie qui se dégage des matériaux et les infinies possibilité de création que cette énergie peut offrir ne peuvent pas être bridés, tel un phénomène naturel anarchique et tumultueux.

giulietta gabo

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