dimanche 19 décembre 2010

Frozen Flower


« Frozen Flower » (Hangul: 쌍화점; RR: Ssanghwajeom) est un film coréen du Sud réalisé par Yoo Ha. Il s'agit de la cinquième long-métrage du réalisateur Yoo Ha, qui voulait faire un changement de ses œuvres précédentes en faisant un film historique
L'histoire est particulièrement controversé au sujet de la violation des personnages du protocole de la famille royale et leur quête de l'amour. Le film se déroule en Corée et la dynastie Goryeo étoiles Jo In-Seong, Ju Jin-Mo et Song Ji-hyo.
« Frozen Flower » est basé sur une histoire vraie de la dynastie Goryeo (918-1392) en Corée, et prend le titre d'une chanson de cette époque qui a décrit les relations sexuelles entre hommes et femmes. 

Ce film parle de l’époque de la dynastie Goryeo, le Roi est poussé par l’Empire Yuan, duquel il est tributaire, à produire un successeur au plus vite, à défaut de quoi un héritier sera désigné par l’Empereur. 

Le problème c’est que, bien que marié depuis dix ans à une princesse de Yuan, le Roi n’a d’yeux que pour le jeune capitaine de sa garde personnelle, Hong-rim, qui ne l’a pas quitté depuis sa plus tendre enfance. Incapable de répondre à l’ultimatum de l’Empire, mais voulant protéger son pays, le Roi demande à Hong-rim de prendre sa place auprès de la Reine. 
Il ne sait pas alors quels bouleversements va entraîner cette décision…                       
Il semble que cela est un film gay car c’est une histoire de triangle amoureux entre le roi, sa garde personnelle et la reine, mais après avoir terminé de le voir, il est vraiment un film étonnant qui est rempli d’émotions et sentiments diverses ; de l’amour, la haine, la jalousie, la fidélité, la trahison, etc…
Si on parle d’amour, il y aura les réactions différentes de chaque personne. Certains pourraient choisir de sacrifice, tandis que d’autres pourraient choisir de le posséder. Comme dans ce film, tous ont choisi de posséder l’amour avec leur propre égoïsme, il se termine avec un tragique pour chacun entre eux. 

En dehors de l’histoire, il est très fascinant de voir des scènes avec tous les détails traditionnels à l’époque, des vêtements, des bâtiments, du langage, etc…
On dirait que ce film reflète très bien la réaction d’amour de sexe différente, homme-femme-gay. Le fait qu’on voit chaque personnage se termine avec le tragique, nous a fait comprendre que si l’on possède l’amour par l’égoïsme, l’amour n’est que la trahison et la mauvaise foi.
Frozen Flower est l’un des meilleurs films qui mesure le côté sombre de chaque personnage et fait pensée aux audiences sur leur propre amour.

http://www.youtube.com/watch?v=WvG4rvI8HBw

MV ( 258296 )

vendredi 17 décembre 2010

EXIT THROUGH THE GIFT SHOP !


Réalisé par le mythique artiste à ne plus présenter, Banksy, "Faites le mur!" est une totale surprise.
Loin de répondre à nos attentes de spectateurs avides d'infos à son sujet, "mais qui est il? D'où sort il?!" (rappelons que nous ne connaissons ni son nom, ni son visage, ni son âge), le graffeur anglosaxon nous livre un synopsis particulièrement étonnant.
C'est ainsi que les images filmées par Thierry Guetta, aka Mister Brainwash, nous sont livrées. Père de famille lambda et type quelque peu incongru, trentenaire bedonnant aux rouflaquettes imposantes, Thierry s'était en effet mis à filmer son quotidien 24h/24 à la manière d'un bon vieux reality show. Alors forcément tout y passe, enfants, épouse, cousin... Cousin n'étant autre que Space Invader, street artiste à la renommée mondiale. Voilà le lien qui lui qui permettra de passer de simple fanatique de la pellicule à vidéaste grimpant sur les toits. Notre Thierry se voit en effet accompagner l'Invader sur ses terrains de jeux.
Très vite, il éllabore le projet de créer un film, rencontre et suit un nombre importants d'artistes, enchaînant les kilomètres de bobines et stockant ses cassettes à gogo.
Alors désireux de rencontrer le grand et subversif Banksy, pièce manquante à la réalisation de son puzzle, c'est finalement par le plus fortuit des hasards que le destin les rassemblera. Très vite une complicité naît. Guetta finira d'ailleurs par assembler ses rush et par lui proposer son projet de film abouti. Le travail de notre attachant quidam, cliché du personnage "bizarre mais sympathique", se révèle être une déception pour Banksy : "1h30 d'une bande annonce sans fin". Celui ci lui conseille donc d'avorter sa carrière de cinéaste afin de poursuivre son projet naissant de devenir street artiste lui-même. C'est ainsi que M.Brainwash voit le jour.
Tout fiéro et revigorer des dernières prérogatives de son idolatré Banksy, Monsieur Guetta entreprend la mise en place d'une immense exposition rien que pour sa pomme. "Ô grand bonhomme que je suis". Hic. L'image que nous avions de Thierry, naïfs spectateurs que nous sommes, prend alors un grand virage. Du gentil gus tout flasque il passe à l'imposteur ayant tout appris auprès des plus grands, recrachant et nous refourguant à son tour tout un patacaisse d'oeuvres commenditées et réalisées par la lourde équipe qu'il a embauché.
Nous serions nous fait berner?! C'est en tout cas le gout que cela nous laisse en bouche. Après de longs et fastes mois d'organisation, les centaines de mètres carrés recouverts de toiles, tantôt inspirées de la Factory de Warhol, tantôt pales copies des pochoirs d'Obey, sont prêts à ouvrir leurs portes. Fourvoyées également, les centaines de millers de personnes faisant alors la queue et a 10 000 miles d'en capter la supercherie...
Mais alors, quel est le vrai message de notre ami Banksy?
En effet, face à ces multiples revirements de situations nous restons coi. Nous avons bel et bien perdu le fil.
Répétons le, nous nous attendions limite à un film à l'explication voir à la gloire de son taff, du moins on aurait bien voulu en voir plus d'images hein.
De la même manière, nous nous sommes pris d'affection pour ce gentil dingue de la peloche et puis pof, usurpateur que voici.
Alors quoi? Banksy aurait voulu mettre en accusation ce sale voleur, menteur, méchant garçon? Je ne crois pas. Bien au delà, il met en lumière la blague totale qu'est le monde l'art aujourd'hui. Pourtant bien loin de lui la volonté de le critiquer, ou de se poser en victime. C'est comme ça, on apprend à faire avec et point. M.brainwash à réussi son coup : engouement et renommée.
Le spectateur, lui, à tout de même du mal à avaler la pillule. Réaction intéressante qui nous conduit à un deuxième niveau de lecture du film. Ce qui nous dérange au fond, c'est que dans l'histoire celui qui réussit au sens économique du terme n'est autre que Thierry. "Quoooooooi! Mais c'est dégueulasse!". Le drap se lève sur l'existentielle question (je vous vois dors et déjà trépigner), l'artiste qui veut se faire connaître du plus grand public, l'artiste pupulaire donc, doit il mettre son intégrité de côté pour y parvenir?... Laissant nos "vrais" artistes, passionnés, dans l'indifférence la plus totale, miasmes rejetés.
Là, mes petis loups, tout le travail est pour nous. A nos caboches de chauffer un peu et de trouver un semblant de réponse...
Un bravo, non sans ironie, à un Banksy qui vient prouver encore une fois son incroyable génie. Ben ouais, du coup on est encore plus demandeurs et désireux d'en savoir plus quant au mystèrieux Monsieur rat. Et ne serait ce pas le but de tout cela?!...




Ann-Flore RAMMANT.
246054.
Sorti sur les écrans le 15.12.2010 dans toutes bonnes salles.

jeudi 9 décembre 2010

Artiste, une profession?

En cette période de grand froid, de neige et de soupes en tout genre, j’ai troqué mes chaussures et mon guide parisien pour ma couette et mon chocolat chaud.
Le temps pour moi d’organiser mes idées et d’essayer d’aborder la problématique de notre cours avec plus de rigueur. Artiste, une profession ? De quoi nous laisser songeur…
C’est, j’espère, sans tourner autour du pot que je vais essayer de définir ce qu’est un artiste pour moi.
Au travers des deux rencontres que nous avons pu faire au sein de ce cours, les artistes ont affirmé deux points de vue différents.
Pour la première, Kimiko Yoshida , "j'ai toujours voulu devenir artiste, depuis que je suis petite", pour le second, Pierre Mabille, sa pratique s’agissait d’une réponse à des « pulsions de peinture ». Intuition profonde pour l’une, volonté d’en faire une carrière ; création presque malgré soit, à assouvir quoi qu’il arrive pour l’autre.
Deux notions sensiblement opposées, qui d’après moi illustrent parfaitement le paradoxe de l’Artiste.
Image d’un être prédestiné, quoi qu’il arrive, voué à la création depuis son plus jeune âge. Et parfois torturé, allant même jusqu’à subir ce statut qu’il lui est imposé.
Alors, nous avons le choix. Artiste maître de son travail, parfait artisan, bon marchand, ou Ô artiste à l’âme tortueuse, hésitant entre Spleen et Idéal comme Baudelaire nous la si bien dépeint.
Loin de moi l’idée de faire l’éloge d’aucun d’entre eux, bien au contraire. Essayons simplement de mettre les choses au clair, n’ayons pas peur de révéler le Descartes en nous…
À travers les siècles et les genres, le mythe de l’artiste torturé/mystérieux s’est bel et bien imposé. Qu’il s’agisse de poésie ou de littérature, de Rimbaud à Bukowski, de peinture, de rock ou de je ne sais quels autres domaines glorifiés. À foison, nos artistes se sont foutus en l’air, jeunes, victimes sensibles d’un trop grand succès, souvent trop rapide. Feu les Jim Morisson, Hendrix, Jean Michel Basquiat et autres avortés du monde l’art.
Mais tout ces chichis pourquoi ? Tout ces chichis, comme nous l’avons dit plus haut, semblent lui êtres malheureusement intrinsèque. Et notre quidam, pardon, notre artiste, ne peut rien y faire.
Tenter d’exorciser le tout dans sa création ? Certes. Création alors réduite en une catharsis, difficile d’en dépasser les bornes. Rares sont les exceptions.
Lourd fardeau que de porter tout cela et que de se voir, en plus, taxer d’imposteur. Voilà ta peine mon grand. Dépatouille toi comme tu peux, nous on observe et on juge…
De l’autre côté de la barrière, nous avons un second type d’artiste, prédestiné lui aussi (il semble que ceci soit acquis comme « vérité ») à la création.
Le génie « maître » qui semble en tout cas mieux tenir les rênes que de se faire de la corne aux mains à force de se faire tirer.
Je vous entends d’ici, non, arrêtez, poser vos tomates et laisser le exister lui aussi. À l’instar de notre être extraordinaire susmentionné, martyr de son talent, il a eu l’intelligence de comprendre les ficelles de ce qui pour lui est devenu un métier, une profession réelle.
Difficile d’imaginer un Damien Hirst roulé en boule au coin d’un feu de cheminée, se taillant les veines tout les quatre matins hein ? Nous sommes d’accords sur ce point.
Pour résumer cette vision très manichéenne, « être artiste » semble ne pas être un choix, mais bien une immanence de l’individu, un statut inné.
Le choix s’opère quant à la professionnalisation de celui-ci… En ferais-je mon métier ? Serais-je capable d’en faire mon métier d’ailleurs. Autre questionnement fondamental, mais bien loin de moi l’idée de le développer ce soir…

Ann-Flore.
246054.

mardi 7 décembre 2010

Tropical Malady ( สัตว์ประหลาด )



Tropical Malady Prix du jury au Festival de Cannes 2004 ) est un autre film de Apichatpong Weerasethakul อภิชาติพงศ์ วีระเศรษกุล après son premier long métrage en 2000, Dokfa nai meuman (Mysterious Object at Noon) qui mêle des images documentaires et des passages narratifs improvisés. Le film est basé sur le principe du cadavre exquis inventé par les surréalistes.

Entre 2002 et 2006, il réalise trois longs métrages formant une trilogie sur ce qui lui tient à cœur : Blissfully Yours sur sa passion pour le cinéma, Tropical Malady sur sa sexualité et ses peurs, et Syndromes and a Century sur ses parents médecins. Les deux premiers sont présentés au Festival de Cannes en 2002 et 2004, et le troisième à la Mostra de Veniseen 2006.

Après Blissfully Yours et avant Syndromes and a century, Tropical Malady est le deuxième volet d'une trilogie que le réalisateur Apichatpong Weerasethakul consacre à ce qui le touche, ici lui-même, sa sexualité et ses peurs.
Le film est coupé en deux parties opposées : C’est un film entre une amourette tranquille et calme, puis l'angoisse de Keng isolé dans la jungle qui chasse une bête sauvage alors que Tong a disparu après leur dernière rencontre.

La première forme que revêt le film est celle d'une histoire d'amour très fleur bleue, celle de Keng, un jeune soldat, avec Tong, un garçon de la campagne au sourire aussi permanent qu'inquiétant. Ensemble, ils mènent une vie tranquille s'organisant autour de promenades en ville et de la douceur des journées à la lisière de la forêt. Un jour, Tong disparaît et plusieurs bêtes des troupeaux de la région à leur tour. Une vieille légende locale dit que quelquefois, un homme peut être transformé en une bête sauvage. Keng décide de partir à sa recherche au cœur d'une forêt luxuriante et inquiétante.

Ce second film, d'amour cruel, de chasse à l'homme, de passion, de souffrance, a la forme d'un conte au ton pince-sans-rire. Il se déroule dans la jungle, la nuit, là où erre un moine khmer méchant qui pénètre le corps de ses proies pour s'y loger. Dans ce second film vont advenir quelques événements troublants, qui vont continuer de plonger le spectateur dans un état de torpeur excitée, une sorte de catatonie. Etat entretenu par un système de redites, de rimes, de vrais ou faux flash-backs qui viennent se glisser dans cette nuit proprement hallucinante.

Tropical Malady  a créé avec la passion et l’imagination de Apichatpong qui veut introduit sa sexualité et ses peurs à traverses son film.  C’est un film qu’on peut laisser nos pensées et absorbe la pensée de réalisateur à travers les belles paysages, la naïvité de personnage et tout et tout… Tropical Malady est un autre « MUST SEE » film de Apichatpong.

MV ( 258296 )

dimanche 5 décembre 2010

Paris/ Centre Culturel Suisse/jusqu'au 12/12/2010/ Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger « Comment rester fertile? »

Le titre de l'exposition invite au questionnement et les artistes mènent les visiteurs à la recherche d'une réponse par l'exploration de leur œuvre.
C'est ainsi que l'on aborde cette présentation, comme un appel à l'exploration.
La création de ces deux artistes suisses a été imaginée pour le lieu et constituée in situ pendant un mois. Tout l'espace du Centre Culturel Suisse est habité par une sorte de jungle prolifique, en constante transformation, construite grâce à la présence de plusieurs pièces reliée entre elles par le parcours d'exposition lui-même.
Composées par des forces, plus que par des objets, les dimensions de l'ensemble emplissent chaque salle de telle sorte que le spectateur doit se déplacer, déambuler, se baisser et s'allonger pour éprouver les installations avec le corps et non par les seuls yeux.
Les différents pièces présentées, construites à partir de matériaux de récupération de toute sorte et par des complexes système de tuyaux, fils de fer et branches végétales, semblent proliférer par elles-mêmes, sans formes prédéfinies, suivant un principe d'extension infini, comme autant de métamorphoses en devenir continuel, dont l'on peut observer un état suspendu et éphémère.
Vaisselle en plastique et en verre, conteneurs, restes de nourriture, plantes, tissus, papier, tuyaux et rubans de toute sorte, petits objets et fleurs en plastique forment une véritable accumulation de détails d'où se dégage une force mystérieuse qui remplit l'espace de manière inattendue et surprenante. La matière devient fluide et légère, tous les éléments fusionnent en un univers en mouvement et le spectateur est entraîné vers des formes ouvertes et irrégulières.
Grâce à l'intégration de plusieurs vidéo, projetés sur différents types de supports souvent en mouvement (murs, tissus, rideaux...), l'espace même « advient », se métamorphose d'une forme à une autres, au fil des images en mouvement permanents.
La force de l'ouvre plastique réside ici dans le fait de manifester cette force de fertilité, qui normalement est invisible, par le biais d'une exposition où la dimension du temps joue un rôle important.
D'un côté, le temps de préparation et de montage des installations, qui nécessitent souvent d'un long et minutieux travail. Juste avant, le temps de la conception prends fréquemment la forme du voyage: des longs mois où les deux artistes vont à la rencontre d'un pays et cherchent à savoir comment les gens travaillent la terre, comment ils la cultivent, comment ils entretiennent leurs jardins, leurs parcs, leurs cimetières. Lors de ces voyages les deux artistes ont l'habitude de collecter tous les objets qui les étonnent et qui trouveront ensuite leur place dans les installations.
Il y a après le temps de l'entretien de l'exposition, de ses organismes, de ses cristaux et de ses cellules, comme un jardinier dans son jardin ou un chimiste dans son laboratoire.
Le temps présent du visiteurs coïncide avec la suspension d'un parmi les instants infinis de métamorphoses, d'accroissements, de changements de couleur et de forme, de stades différents de germination et d'ornement dynamique. 
 
A l'égard de la récupération et de l'accumulation, les œuvres de Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger s'inscrivent dans l'histoire des pratiques des années 1960-1970, quand les artistes se servaient d'objet communs tantôt pour en faire surgir une poétique du quotidien, tantôt pour critiquer la société de consommation qu'il représentaient.
La poétique du détournement artistique de l'objet issu du quotidien est toujours présente, mais la thématique et les questionnements engendrés par ces œuvres suivent plus la direction de l'évocation que de la représentation.
Avec la création de cet étrange espace peuplé par de formes dégageant énergie, les artistes se proposent de questionner la notion de fertilité, notion souvent associée aux engrais chimiques, à la surpopulation et à l’insémination artificielle, mais qui évoque surtout l’énergie première dont découle toute forme de vie.
Leurs œuvres « ne représentent rien », mais créent matière et énergie, tout comme des êtres vivants qui grandissent, respirent et produisent toxines et déchets, tout en modifiant leur forme et celle de leur environnement et tout en créant d'autres êtres vivants et d'autres réalités.
Le lien avec la fertilité de l'imagination est ici évident: comme la fécondité de la terre, des plantes, des animaux et des humains, elle est, à l'époque où l'on vit, réglementée, normée et souvent interdite. L'enjeu est celui de démontrer qu'au-delà des règles dangereuses pour la fantaisie, l'énergie qui se dégage des matériaux et les infinies possibilité de création que cette énergie peut offrir ne peuvent pas être bridés, tel un phénomène naturel anarchique et tumultueux.

giulietta gabo

samedi 4 décembre 2010

Larry Clark – Kiss the past hello/Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris/ARC, 8 octobre 2010 – 2 janvier 2011

Je vais vous présenter une analyse d'exposition qui, plus qu'avancer des réflexions sur le statut de l'artiste aujourd'hui, sera axée sur le "bruit médiatique" autour d'une exposition et sur sa capacité de refléter des questions socioculturelles centrales dans notre époque.

Larry Clark, cinéaste et photographe icône de la contre-culture américaine depuis les années 1960, présente sa première grande rétrospective en France.
L'exposition, conçue de manière chronologique, vise à offrir le panorama complet de son œuvre. 
Des clichés de sa mère, Frances Clark, introduisent la première série, Tulsa, où il représente, en tirages noir et blanc de petit format, la vie quotidienne de ses proches, une vie habitée par l'amitié, l'amour, la violence et la drogue et qui incarne certains mythes américains de rébellion et de fuite de la société.
Toutes les séries qui suivent, à partir de Teenage Lust jusqu'aux travaux sur Jonathan Velasquez, en passant par Larry Clark 1992 et punkPicasso, tissent de forts liens narratifs et émotionnels entre les sentiments et les vécus de personnages des différentes époques et milieux, plongés dans des ambiances intimes et douces où la violence, toujours latente, accompagne leur temps d'adolescent.


Toute analyse correcte d'un événement artistique doit tenir compte de tout ce qui le regarde: ses composantes, sa forme, ses propos et notamment ses conséquences sur le monde, soit-il artistique, culturel, social ou politique. Pour essayer de construire une analyse correcte de cette exposition, il nous paraît donc nécessaire d'axer cette analyse non pas sur ce qui se passe dans les salles d'exposition, mais sur ce qui advient en dehors de celles-ci.
Les deux magazines d'art parmi les plus importants et les plus lus en France, Beaux-arts magazine et Art Press, ouvrent leurs éditoriaux de novembre avec l'exposition de Larry Clark et plus précisément avec le débat sur son interdiction aux mineurs de 18 ans.
L'éditorial d'Art Press souligne « une évolution extrêmement inquiétante des faits de censure », en dénonçant le fait que les institutions à l'origine de cette censure ont agi à l'encontre de leurs propres convictions et de leur propre morale – ainsi qu'à l'encontre d'une grande partie de la société – par « peur » des réactions possibles d'une petite partie, réactionnaire et bigote, de notre société.
Quant au directeur de Beaux-arts magazine, il décrit comme « aberrante et scandaleuse » la décision de la Mairie de Paris, car la totalité des photos « chaudes » est visible par tout le monde sur internet.
Il souligne que la France est le seul pays à avoir exposé et interdit les œuvres de Larry Clark.
Aux micros de France Inter, le directeur du MAMVP explique les raisons – ou, pour mieux dire, la raison – de ce choix: sur les 200 photographies présentées, une dizaine pourraient être considérées comme pornographique, pas par lui-même ou par ses collaborateurs, mais par un article de la loi(1).
Pour sauvegarder l'intégralité de l'exposition (sans censurer les 10 photos incriminable) et pour prévenir son éventuelle fermeture, la Mairie a décidé en amont ce qui pourrait ou pas choquer le public.
Par peur d'une possible persécution judiciaire et sans se soucier du risque de brimer l'expression artistique, ainsi qu'une partie importante de notre société, la Mairie de Paris a choisi d'interdire l'exposition aux mineurs, une façon de leur dire « retournez dans votre chambre ; allez plutôt regarder toute cette merde sur Internet »(2).
Mais qu'en pensent, les mineurs, les adolescents, protagonistes involontaires d'un débat socio-culturel duquel leur opinion est pourtant exclue?
Nous voulions aller les rencontrer, dans une salle au sous-sol d'un autre musée parisien, le Centre Pompidou, qui depuis cette année a crée un nouvel espace pour eux, le Studio 13-16, interdit aux majeurs.
Les responsables de l'espace nous ont fait clairement comprendre que des entretiens avec les adolescents présents n'auraient pas été bien accueillies et que leur préoccupation est celle de protéger ce jeune public des attaques extérieures. Sans une garde constante qui veille sur leur sureté, les ados seraient ici des victimes potentielles de journalistes sans scrupules qui viendraient ici pour les analyser à la loupe, faire des sondages, les étudier.
Quelle considérations pouvons-nous tirer de tout cela? Les ados sont des cobayes de laboratoire à protéger d'un monde trop compliqué à comprendre, trop violent à supporter et pourtant séduisant et attirant, notamment s'il est représenté par un artiste « culte ». Pour éviter tout risque de contact et, surtout, de contage, on les garde dans une belle salle au sous-sol d'un musée, fabriquer des vêtements avec des sacs en plastique en écoutant du hip-hop.
  giulietta gabo
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(1)« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ». Article 227-24, modifié par Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 – art.35 JORF 7 mars 2007
(2) Interview à Larry Clark par Claire Guillot, « Larry Clark: une attaque des adultes contre les ados » , Le Monde, 2.10.2010

lundi 29 novembre 2010

Dokfa nai mueman (ดอกฟ้าในมือมาร) «Mysterious Object at Noon »



Apichatpong Werasethakul (อภิชาติพงศ์ วีระเศรษกุล) est un réalisateur, scénariste, produceur et artiste contemporain thaïlandais. Ses films notables sont « Blissfully Yours », « Tropical Malady » et «  Syndromes and a Century ».

Son premier long métrage « Dokfa nai meuman » (Mysterious Object at Noon), 2000,  mêle des images documentaires et des passages narratifs improvisés. Le film est basé sur le principe du cadavre exquis par les surréalistes.  C’est un mélange du film documentaire et le principe du cadavre exquis, il se prsent en noir et blanc.
Ce film commence par une vendeuse du poisson qui a raconté son histoire d’enfance et une autre histoire (principale du film) qu’on ne sait pas si c’est un réel ou une fiction.
C’est une histoire une femme qui est un tuteur d’un garçon handicapé. Elle a donné les cours de « vie du monde en dehors de sa chambre ». Un jour quand elle était avec ce garçon chez lui,  elle sortais pour aller à la toilette et elle ne jamais revient, donc le garçon a commencé à la chercher et la trouvait s’évanouir. Il y avait une chose bizarre sur la poche de la femme et cette chose bizarre a transformé à un autre garçon….
Ce qui est très intéressant de ce film est que l'équipe du film voyage en Thaïlande et demande aux personnes qu'elle rencontre de poursuivre cette histoire. On peux avoir comment cette histoire a raconté par différents personnes, différents perception et ils se  présentent dans leur propre manières.
Ce film se présent très bien même si il y a peut être le confusion sur la présentation des scènes car chaque scène a eu différents groupes d’acteurs même s’il parle de la même histoire sur les mêmes personnages. Par contre, cela est la charme du film de 
Apichatpong.




MV ( 258296 )

dimanche 28 novembre 2010

David Kramer
Untitled (Because I Am Not Richard Prince...)

David Kramer - Untitled (Because I Am Not Richard Prince...), 2010

Exposition jusqu'au 04 Décembre 2010 chez Laurent Godin

Rassemblés sous le titre Untitled (Because I Am Not Richard Prince...), les peintures, dessins et installations presentés à la Galerie Laurent Godin nous plongent dans l'univers d'un faux air idyllique crée par l'artiste David Kramer. Originaire des États-Unis, le pays de tous les possibles, Kramer puisent dans sa propre vie la matière première pour ses oeuvres.
vue de l'exposition
 Au rez-de chaussée de la galerie le visiteur est invité à s'allonger sur un canapé-lit en forme de l’état de Californie (l'état le plus riche des États-Unis) pour contempler les peintures-installations de l'artiste. Ils nous montrent sa vision du Rêve Américain
On est face à un monde irréel où dominent les vives couleurs de la publicité et l'imagerie de la culture pop. On y trouve des voitures de luxe, des jolies filles et d'autres symboles de réussite. Mais ces scènes sont seulement paradisiaques en apparence, car l'artiste brise aussitôt ces images parfaites. La superficialité explicite (qui rappelle les publicités des années 70) et le sarcasme sous-jacent dénoncent la décadence d'une société en déclin. 
Le travail farceur de Kramer retrace la lutte universel; celui de l'homme à la recherche d'une vie idyllique, prospère et splendide; Le Statu quo d'une société dont les critères de réussite semblent quelque peu démesurés sinon exagérés.

Dans la deuxième partie de l'exposition, au sous-sol, le visiteur entre dans un espace clos, un espace plus intime que celui à l'étage. Et ce n'est probablement pas par hasard, car autant les oeuvres exposées à l'étage parlent de l'homme en général, autant les oeuvres présentées au sous-sol parlent de l'homme Kramer; Artiste, marié et père de famille.

vue de l'exposition
Sur des dessins au crayon sont représentées différentes incarnations de l'artiste lui-même. Des stéréotypes qu'on connais tous, comme le cowboy solitaire, le surfeur ultra-relaxé ou encore superman deviennent des personnages qu’il (re)crée au profit de son histoire. Poivrées d'ironie ces oeuvres parlent de la difficulté de vivre, de la vie solitaire et misérable de l’artiste confronté à lui-même; mais aussi du décalage qu'il peut y avoir, entre le véritable quotidien d'un artiste et l'idée (l'image) que certains s'en font.

Les traces de retouches souvent visibles sur les dessins de Kramer semblent accentuer un caractère "in progress" du travail. On pourrait même saisir ces imperfections comme des gestes qui rendent perceptible ce rapport instable et changeant que l'artiste a avec lui-même; Qu'on a avec soi. Car ces dessins ne sont pas uniquement les bribes auto-dérisoires d'un homme qui lutte seule contre les fatigues de la vie; le travail de Kramer parle d'un quotidien qui nous est commun, il reflète des désires, attentes et échecs auxquels chacun d'entre nous peut s'identifier. Comme nous tous, il aspire le "good life". Un bonheur (idéalisé) tel qu'il soit probablement impossible ou pour le moins volatil et éphémère.

David Kramer - Positive Outlook, 2010
L'exposition de David Kramer, Untitled (Because I Am Not Richard Prince...) est encore à voir jusqu'au 04 décembre. Courrez vite chez Laurent Godin, si vous voulez découvrir l'univers d'un homme sage, malin et drôle, qui ne laisse rien échapper à son oeil d'observateur et qui, avec un esprit de synthèse hors-pair dissèque, pour nos yeux son monde - le monde qui est aussi le notre.
YvnRue 217858

David Kramer est né en 1963.
Il vit et travaille à New York.
 

Infos pratiques:
galerie laurent godin
5, rue du Grenier Saint Lazare
75003 Paris
ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h
T. +33 1 42 71 10 66 
http://www.laurentgodin.com 

vous pouvez également visiter le blog de l'artiste 

vendredi 26 novembre 2010

Kimiko YOSHIDA - Rencontre

Le 26 Novembre 2010


Kimiko YOSHIDA 
Autoportrait 2010
142 x 142 cm


Première surprise : je m'attendais à rencontrer une jeune femme exubérante, à l'instar de la sobriété et du calme que Kimiko émane. Image que je m'étais faite de l'artiste suite à la vue de ses autoportraits présentés à la Maison Européenne de la Photographie, exposition visitée en Octobre pour ma part. Une personne en réalité dénuée de tout ces artifices, se définissant elle-même de "femme ordinaire".
Ses premiers mots : "j'ai toujours voulu devenir artiste, depuis que je suis petite". Peut-être plus une intuition, un état d'esprit, qu'un métier donc.

C'est suite à la faillite de son entreprise que Kimiko démarre sa pratique de la photographie, se jugeant trop âgée (environ 30 ans) pour se lancer dans l'apprentissage long et fastidieux de la peinture.
Son travail et ses recherches donnent alors naissance à des prises de vues directes de l'artiste, en "buste", non retouchées. Son visage, parfois son corps, est sa matière première, sa "matière brute", "moyen sans moyens". Ses installations sont le fruit d'une préparatifs importants, maquillages, assemblages d'accessoires (...), performance magistrale dont la photo finale est le témoin. (Photographie qu'elle appelle d'ailleurs "peinture", ou "nature morte"). Selon ses mots, ces "embellissements" sont une volonté de faire disparaître, d'effacer son corps sur un fond de même couleur; "je veux faire des monochromes, mais ce sont des monochromes ratés".
Kimiko met également en exergue les différences fondamentales de la réception des Arts dans son pays d'origine et en France. Elle aborde la nécessité de défendre et d'expliquer son travail ici. Un discours que l'on ne demande ou n'estime pas forcément nécessaire de la part de l'artiste au Japon.
Cherchant peut-être alors à se donner une crédibilité historique, les tirages de Kimiko font référence à d'autres oeuvres. Cela leur conférant bien évidemment du "poids" et de la valeur.
Mais comment se tissent ces liens, dont la traduction ne se fait pas par mimétisme pictural? La question reste en suspens.
Au travers de la phrase citée de Rimbaud, "je est un autre", il serai intéressant d'explorer la voie de l'artiste se cherchant au milieu de ses pairs. Une recherche d'identification personnelle, au travers d'artistes ou tableaux cités dors et déjà reconnus. "Kimiko au centre des autres", donnant naissance à des doubles alors intemporels.
Ses photographies, dont la beauté de la femme mise en scène est la première chose qui frappe, ont soulevé dans la salle la question du féminisme. Kimiko, ancienne femme battue et fiancée à un inconnu au Japon, combat en effet ces traditions encore trop encrées dans sa culture. La beauté comme catharsis? Comme l'affirmation du "moi" enfin assumé?
Cette beauté qui s'impose, qui explose, est cependant dénué de tout sentiment narcissique, comme elle nous l'explique. Une "superficialité d'un temps donné" donc. Kimiko reste en effet très simple. Ses conseils sont d'ailleurs très humbles. A la question "comment devenir artiste?", elle répond qu'il faut apprendre à se gérer, donc à se connaître.

Une rencontre surprenante, qui vient remettre en question k'avis que je mettais fait de son travail.
La rencontre de ses oeuvres à l'automne dernier m'avait en effet laissé indifférente. Premièrement assimilées à des simples photographies de mode lors de ma visite à la MEP, parallèlement aux clichés exposés de Karl Lagerfeld exposés au même moment. Il m'a fallu alors me documenter pour apprendre à les apprécier, à les appréhender différemment.
La lecture de ces oeuvres peut donc être multiple. Leur profondeur est sans borne car elles suscitent finalement de nombreux questionnements.
Enfin, et comme de véritables objets de mode, leur beauté est intarissable, leur vision ne nous lasse pas.
On scrute, on observe sans fin ces explosions de couleurs, ces assemblages minutieux. Une somptuosité qui s'impose à nous.

Ann-Flore.
246054.

jeudi 18 novembre 2010

DISTORSIONS - André Kertész - Analyse d'oeuvre

Distorsions 1933
André Kertész

Artiste au langage photographique novateur, Kertész nous habitue très tôt à ses décalages de points de vue ou déformations de sujets.
En 1930, alors que le magazine VU lui commande un portrait de son nouveau rédacteur en chef, Carlo Rim, il réalise une image étonnante en faisant poser son modèle devant un miroir déformant de fête foraine.
En 1933, suite à la demande de la revue de charme, Le Sourire, Kertész ira encore plus loin en produisant des photographies de nus féminins distordus. Plus connue sous le nom de Distorsions, l’image que nous avons sous les yeux fait partie intégrante de la série.

Nichée au cœur de l’acte « France, 1925-1936 » , cette série de douze photographies éveille la curiosité des spectateurs.
Alors installé à Paris, et après avoir travaillé sur les « déformations optiques » et projections d’ombres ; gardons en effet en mémoire le fameux Nageur sous l’eau (1917) ou encore La Fourchette (1928); Kertèsz est toujours à la recherche d’images insolites.
Cette commande lui permet alors d’assouvir sa soif d’innovations.
En demandant à deux modèles de poser pour lui face à ces miroirs déformants, Kertész donne en effet naissance à d’étranges tirages noirs et blancs.
Portraits aux étirements grotesques, livrant un corps de femme déformé, malmené par le choix du point de vue.
Comme nous pouvons le voir ici, même si la figure féminine reste reconnaissable, les membres le sont, eux, difficilement. Bras et seins distordus, trop épais pour un buste qui conserve ses proportions habituelles.
Un cou distendu, des pieds allongés, une image faite de courbes, qui pourrait presque faire écho aux corps, bien trop en chair, des Trois Grâces de Rubens, ou à ses femmes à la colonne vertébrale bien trop longue.
Le spectateur pourra cependant s’interroger. Pourquoi aliéner les attributs d’un corps féminin, lorsqu’il s’agit de publications relatives à un magazine de charme ? La beauté et la sensualité de celui-ci serait-il donc intrinsèques ?
Explorant ainsi les différentes facettes de la « mécanique du désir » et de « l’inconscient physique ».
Des tirages magnifiques d’autant plus intéressants qu’ils explorent la monstration de la monstruosité, à l’image d’Hans Bellmer et de sa Poupée, tantôt démembrée, amputée ou décapitée.
L’audace de Kertész ne rencontra cependant que peu d’intérêt, et ce n’est qu’en 1976 que ces douze photographies seront réunies et rééditées sous la forme d’un livre.

Explorant ici les domaines de la beauté et de la monstruosité à travers les corps de femmes violentés par l’objectif d’un appareil photo, Kertesz fait à nouveau preuve de son originalité.
Flirtant tout au long de sa carrière avec les contemporains de son époque, qu’ils s’agissent des reporters photos ou des surréalistes, il n’appartient cependant à aucun mouvement. Toujours à la lisière, en perpétuelle quête, et se défendant constamment d’être sous l’influence d’un quelconque mouvement.
Serait-ce là la clé d’une si longue carrière ? C’est ce qui contribuera, cependant, à faire d’André Kertész l’une des plus grandes figures de l’avant-garde photographique du XXème siècle.

Ann-flore.
246054.

André Kertész
Du 28 Septembre 2010 au 06 Février 2011
Galerie Nationale du Jeu de Paume
1 Place de la Concorde
75008 Paris

Kertész - JEU DE PAUME

L’exposition consacrée à André Kertész au Jeu de Paume, des mois de Septembre à Février 2011, s’avère être la première véritable rétrospective de l’artiste en Europe. Elle rassemble en effet un grand nombre d’épreuves et de documents originaux.
Photographe Hongrois du XXème siècle des plus renommés, Kertész et son œuvre se révèlent en effet êtres des figures majeures de l’histoire de la photographie et de ses avant-gardes.

La présente exposition tente alors, à travers un ensemble conséquent de tirages et travaux récoltés, de retracer l’étonnant parcours d’André Kertész.
Elle dévoile, pas à pas, étapes par étapes, cette carrière si longue et prolifique. De la naissance de l’artiste en Hongrie, à son travail en France, plus particulièrement à Paris, jusqu’à son arrivée à New York, pour enfin aboutir à sa « renaissance ».
Un hommage à cette si grande singularité, tâchant d’être le plus exhaustif possible et proche du déroulement de la vie de l’artiste.


La sensibilité avec laquelle l’exposition à été orchestré transparaît en effet dans l’organisation des documents. Qu’ils s’agissent de tirages ou d’archives, tous sont arrangés avec un respect certain, suivant un axe chronologique.
Mis en place par les commissaires Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq, l’exposition se déroule en cinq actes principaux. Parties dans lesquels viendront se nicher quelques petits interstices ou « séries spéciales ».

Ce premier acte, intitulé « Hongrie 1894-1925. « D’andor à André » s’articulera comme nous l’aurons compris autour de la jeunesse de Kertész.
Né à Budapest en 1894 au sein d’une famille bourgeoise, André, né Andor, Kertész n’acquérra son premier appareil photo qu’en 1912.
De ces premiers petits tirages en Noir et Blanc nous retiendrons surtout son attachement à la campagne, aux animaux, flâneries et portraits de famille. Des tirages d’ailleurs si petits (4 x 6 cm), que le spectateur est obligé de les observer à la loupe, pénétrant directement dans l’univers intimiste de l’artiste.
Ensuite enrôlé dans l’armée austro-hongroise en 1915, Kertész met en images l’anodin du quotidien des soldats.
Il se révèle ensuite novateur en photographiant de nuit, ou sous l’eau dès 1917 (Nageur sous l’eau), jouant avec les contrastes et les formes de ces objets photographiques.
Andor s’affirme, passant d’un caractère presque sentimental de la photographie à André, libéré et novateur.

Kertész quitte ensuite sa Hongrie natale et vient s’installer à Paris. « France, 1925-1936. Le jardin d’André Kertész » retrace l’arrivée de l’artiste au sein d’un cercle de compatriotes émigrés, parfois sculpteur, comme Beöthy, ou danseuse comme Förstner. Il évolue donc au sein d’un milieu culturel artistique. Il réalise ainsi des portraits d’artistes décalés, et des vues d’ateliers dès 1927, comme celui de Mondrian. Les formats s’agrandissent, et Kertész continue de pratiquer la photographie de nuit. Exemples de Square Jolivet la nuit (1927), ou Daisy Bar Montmartre (1930), halots de lumière, ombres portées des lampadaires ou personnages. Des personnages d’ailleurs souvent fuyants. On comprend alors que Kertész joue avec les notions de présence et d’absence.
Kertész travaille également pour la presse, s’initie au reportage photographique et participe à plusieurs expositions importantes, dont « Film und Photo » en 1929, à Stuttgart, aux côtés d’artistes internationaux.
Kertész reste tout de même marginal et indépendant à ses contemporains. La succursale des Distorsions vient en effet illustrer avec brio l’intérêt de l’artiste pour les images insolites. Sous nos yeux se dévoilent objets et corps déformés,
L’artiste continue à étudier la projection des ombres, exemple de Chaises dans la bibliothèque américaine en 1928, image qui donnent naissance à des objets étirables à l’infini.
Le spectateur est ensuite invité à grimper quelques escaliers. Nous quittons alors ces deux premières salles à l’ambiance si mystérieuse pour pénétrer dans ce qui sera appelé « Reportage et illustration ».

Dès 1928, la création du magazine VU, permet à Kertész de publier ses photographies aux côtés de Germaine Krull et Eli Lotar. Grâce à la définition de sujets préalable par Lucien Vogel, directeur de la revue, le monde de la photographie voit la naissance du « reportage photographique ».
Kertész voit également sa réputation renforcée par la publication de trois livres, Enfants en 1933, Nos amis les bêtes en 1936 et Paris vu par André Kertész en 1934, véritables points de vue subjectifs de l’artiste quant à la ville dans laquelle il vit.

Kertész quitte finalement Paris pour s’installer à New York en octobre 1936, et ce jusqu’à la fin de ses jours.
L’occasion pour nos deux commissaires d’explorer un pan de sa carrière sous un autre angle, « New York, 1936-1962. Un nuage égaré ».
Motivé par la signature d’un contrat avec l’agence Keystone, l’élan de Kertész s’essouffle peu à peu. Limité à sa condition d’étranger, il est réticent et contraint d’accepter d’autres engagements, exemple de sa collaboration avec « House & Garden ».
L’artiste s’installe par la suite dans un appartement, lui permettant ainsi de photographier les toits de la ville, ses terrasses et ses cheminées. Il devient « guetteur » et crée d’étranges images aux constructions souvent géométriques ou symétriques. Loin de s’intéresser à la vie de quartiers et à la population de la ville, Kertész parcellise à l’extrême sa vision de New York. Exemple des escaliers barrant la surface d’un immeuble, Escaliers de secours New York, 1949, ou encore Autour de l’hôpital St Vincent, 1961, dont la construction particulière fait vivement écho aux tableaux de Mondrian.
Des images comme expressions acerbes d’un sentiment de mélancolie.
Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq choisiront d’ailleurs le titre d’une photographie réalisée en 1937, Nuage égaré, pour baptiser cette section. Tirage qui, à lui seul, pourrait résumer la recherche de Kertesz pour les images de solitude, images vidées de toute présence humaine.
L’ultime photographie qui viendra clôturer cet acte n’est autre que La Martinique, 1er janvier 1972, silhouette floue d’un personnage pensif face à l’infini de l’océan. Une image qui s’impose comme une conclusion funeste, et qui pourrait être le reflet d’André lui-même.

La carrière de Kertész connaît cependant un renouveau. C’est l’objet de cette ultime partie, « Retours et renouveau, 1963-1985 ». Deux ans après avoir pris sa retraite, l’artiste est sollicité par la revue Camera. Il obtient alors quelques expositions personnelles et entame une relecture de son travail.
Il prouve également qu’il est un homme qui sait vivre avec son temps en s’intéressant aux moyens techniques de son époque. Il explore en effet l’utilisation du Polaroïd dès 1977. La démarche, qui implique d’ailleurs un passage à la couleur, se veut plus intime, voire rétrospective. Exemples des plans rapprochés, dont la publication From my Window sera dédiée à sa femme récemment décédée, véritable « outil de deuil » par lequel ses émotions les plus fortes transpirent.

À travers ces cinq grandes étapes d’une vie artistique florissante, le spectateur est donc invité et conduit à voyager au plus près du travail Kertész.
L’évolution de l’artiste semble logique, et la progression du spectateur au sein de la découverte de son œuvre est tout aussi fluide.
Une mise en scène à la lecture simple, qui permet un apprentissage tout en douceur. Le spectateur est flâneur, véritable écho à la poésie du travail de Kertész.

Ann-Flore.
246054.


André Kertész
Du 28 Septembre 2010 au 06 Février 2011
Galerie Nationale du Jeu de Paume
1 Place de la Concorde
75008 Paris

lundi 15 novembre 2010

L'homme de douleurs

L'HOMME DE DOULEURS1


Certe conquiste dell'anima e della conoscenza
non sono possibili senza malattia.

Th. Mann



L'abîme vertigineux dans lequel l'être humain inexorablement se trouve, c'est d'être tendu entre la vie et la mort. L'individue habite un espace intérmediaire, atopos dans l'existence et dans la vérité, sans domicile par rapport à lui-même: entre la vie et la mort, entre la lumière et l'obscurité, il est contraint à un non-lieu. Il vit le paradoxe inattendu de la contradiction; il demeure dans une fracture obscure. Il perçoit une lumière qui n'est pas à sa portée, pas accessible, mais qui l'appel et le convoque, lui adressant la parole individuellement et dramatiquement.

La questionnement d'un homme exilé - sujet qui se déplace entre les formes et qui vie l'expérience de l'esprit, du corps et du language qui parle cette complexité - est condensé dans ses yeux. La conscience de l'absence d'un lieu sûr et bien defini, et une pensée au sujet de la limite et de la frontière à essayer, tout ça charge l'homme du XVIème siècle de tensions extrêmes et de contradictions. Malgré la domination du monde récemment acquie par la science et la représentation dialectique.

La pensée se mesure avec les questions les plus radicales de l'existence, à travers la raison et le pathos. Le regard qui se pose à la limite du monde contient une verité du matrice contradictoire. La mort jousque-là étrangère se dépose, comme un voile, comme une attitude qui gêne. Il n'y a pas de mots, on ne sait plus dans quelle direction chercher. On rencontre d'autres visages, marqué eux-même par des rides et des plis. Le corps souffle les signes d'une mort indicible.

Le caractère inexorable de cette questionnement s'impose par l'absence persistante de sa réponse.


Les yeux d'Albrecht Dürer nous fixent, creux et étrangers. La souffrance dans ce regard embué de solitude et fragilité nous remplit de douleur. Pourquoi Dürer se presente d'une nudité terrible et choquante? Et comment est-ce qu'on peut répondre à cette souffrance si terminale? Comment l'homme de douleurs a été représenté par l'artiste?


«Le dessin mesure 29,2 x 15 cm, 4".” - je mentionne toute une description de l'auto-portrait présenté par Franco Rella2 à cause de sa clarté et sa précision - "A gauche, un bord plus clair tombe d'en haut - où on voit la caractéristique A, qui comprend le D, avec laquelle Dürer signe ses œuvres -, d'une façon irrégulière jusqu'ils s'étend, comme une tache qui se propage. Le bord perd ses marges et couvre le bras gauche de Dürer, du coude vers le bas de la page, en accompagnant la courbe de la hanche et de la jambe. A droit, le bord est plus grand, et se rend régulièrement à l'épaule, pour s'approcher du buste. Ce bord couvre complètement le bras, en glissant long le corps jusqu'à la hanche. Une lame noire, de la hanche au genou, effrange cette limite comme une aile de l'obscurité. Entre ces deux colonnes - marges étrangers d'un antre d'abord réguliers, ensuite sinueux et incertains - on trouve le corps nu de Dürer. […]
Le seul vêtement qu'il port c'est une résille qui recueille les cheveux ébouriffés. Cette résille révéle complètement le front, l'oreille, et les yeux écarquillés, qu'ils semblent contenir toute l'obscurité traversée pour arriver jousqu'ici, devant la porte de l'antre. Par rapport aux épaules, la tête est penchée plus avant, même plus que la hanche, comme si les yeux de Dürer visent vers le regard du spectateur. Le corps est puissant, mais gauche par la torsion nécessaire à se pousser en avant. Le corps est nu, d'une nudité jamais vue. Une petite touffe de poils pubiens, comme un petit reste d'une dénudation qui a touché le dépouillement, révéle encore plus les parties génitales. Ne sont pas ceux des héros mythologiques, ou d'Adam, que Dürer a également peint. C'est l'organe génital d'Albrecht Dürer. Le scrotum pend comme un sac qui est rond et pèse seulement là où les testicules se trouvent. Un pénis enflé, interrompu par le relief du gland; le trou excréteur qu'on voit à cet extrémité.
Une lumière à droite. Le corps est légèrement tendu vers la droite. Le côté gauche, qui se penche un peu plus vers nous, est traversé par l'ombre jusqu'à la hauteur des organes génitaux. La jambe gauche se penche en avant, et sur elle, dans un tremblement obscure, l'ombre du pénis et du scrotum est dessiné, alors que la jambe droite, immobile, s'assombrit.
Rella poursuit: «Dürer a essayé ce récit dans une série de trois gravures: Le Chevalier, la mort et le diable en 1513, le Saint Jérôme dans son cabinet d'étude et Mélencolie I 1514 (Vienne). Dans la première gravure, le chevalier avance fière, apparemment indomptable, mais à son côté il y a la mort qui le fixe, qui se leve sur lui, pour qu'il puisse la voir; le sablier marque son temps; derrière lui le diable monstrueux marche. Les monstres l'ont suivi à l'extérieur de la caverne, ils marchent du même pas, ils l'accompagnent. Le magnifique cheval qu'il monte ne pourra plus le protéger. On trouve le sablier sur la tête de Saint Jérôme, plongé dans ses études, tandis que les animaux domestiques et sauvages sont calmes sur le sol devant lui. Le Chevalier et le Saint: deux formes d'exorciser la mort et l'angoisse de la mort. La troisième gravure raprésente directement Albrecht Dürer.
Un ange silencieux et mélancolique est au centre de l'incision. Le poing gauche soutient la tête avec la couronne de laurier de l'artiste: ses yeux regardent droit, dans le vide. La main droite tient un compas ouvert, immobile, appuyé peut-être sur une feuille de papier entre ses genoux ouverts, qui ne peut pas le soutenir, et qui, donc, ne permettront pas aucun cercle. Aux pieds de Saint Jérôme il y a un chien pelottoné, comme le chien qui courait sous le cheval de Le Chevalier, la mort et le diable. Il y a aussi d'autres objets de la poiesis, pruduits par l'homme: une équerre, un bouvet, des clous, un marteau, une sphère... Derrière lui, sur le mur, le cadre de numéros de Pythagore, un tableau de proportions que Dürer avait étudié et sur lequel il avait fondé sa théorie de la représentation. Au-dessus, une clochette immobile; à gauche une balance immobile elle même. Au milieu, encore, le sablier: la seule chose qui bouge dans l'incision est juste la sable qui augmente au fond, déjà une petite colline, qui continuera à monter jusqu'à la fin, où il n'y aurait plus du temps.
Un petit ange se tient à côté du grand ange. Immobile et accablé. A l'extérieur, sur l'eau immobile et éclairée soit par une lumière à droite, soit par un rayon du soleil au crépuscule derrière lui, une chouette en vol stationnaire: oiseau qui se déplace précisément à la lumière entre le jour et la nuit. Ses ailes déployés supportent un papier; sur lequel c'est écrit “MELANCOLIA I"”.


Une douleur insoluble, qui influence le regard, modifie l'attitude et creuse profondément. Qu'est ce qu'il voit Dürer, qu'il n'a plus autre choix que montrer au public son corps nu, inachevé et fragmenté? Pourquoi il est obligé à se découvrir avec une telle intensité? Pourquoi, en regardant la représentation, on pressent très fortement que l'auteur fait référence à une douleur qui n'est pas seulment subjective et personnelle? Quelle est le message définitive et irrévocable qui pénétre les mystères de l'être humain?

Le visage qui appelle notre attention crie la douleur muette d'une experience toute humaine. Nous nous arrêtons, on peut pas faire autrement, en essayant de déchiffrer les signes qui le traversent et qui le marquent. Sans raison, ça ne suffit pas. Comme dans le tragique énigme apollinien, la tentative c'est de déchiffrer des yeux inquiets et l'attitude d'un corps avec les muscles détendus, les épaules décharnées et le ventre lascif qui se replie sur lui-même. La rationalité n'a aucun point d'appui. Même les objets qui sont positionnés dans la représentation de Dürer - normalement ancres materielles de forme et de temps - n'arrivent pas à soulager cette douleur: au contraire, ils s'allongent sur le sol comme fragments de quelque chose qui a été finalement brisée, comme restes et petites traces d'une catastrophe consommée en silence. Les éléments pèsent plus de montagnes de gravats.


Dans le Quattrocento l'homme a finalement réussi à exorciser le chaos par la découverte de la raison, de règles, et des utils produits et améliorés selon un processus évolutif. Dürer lui-même, en traversant l'idéologie anthropocentrique, avait mesuré l'univers et l'être humain. Dürer pouvait aussi profiter de l'organisation de la perspective3 de l'espace, qui permettait au sujet de devenir point de vue lui-même. On utilisait un plan hypothétique de projection orthogonale, afin de réduire la tridimensionnalité du réel à deux dimensions. Par la perspective, système d'objectivation, le monde était encadré, sélectionné et reproductible.
Un réel qui dévenait mesurable - capturé par une série d'abstractions qui relativisait toute donnée perceptive – avait permis la possibilité d'ouvrir et de découvrir l'imagination. L'homme était un véritable instrument d'investigation toujours ramené au possible. Le temps était simultané et aligné à chaque spectateur. On peut dire que le temps était spatialisé (ayant représenté par une droite dont les points représentent les instants du temps).
Jusqu'à l'Humanisme, les savants avaient parlé des anciens philosophes comme s'ils étaient encore vivents. L'humanisme avait redécouvert la puissance de l'écriture, tout en reconnaissant l'autorité de documents et sa propre interprétation. Le passé, comme autre par rapport au présent, apparissait non seulement comme l'occasion de définir la temporalité dans un domaine humain, mais aussi comme démontration que l'avenir pouvait être étudié et modifié. Par la découverte de textes et par les interprétations (par exemple le De Pictura de Gian Battista Alberti), l'individu avait connu la possibilité de contrôler le processus dangereux de relativisation que la séparation entre la vérité et l'être humain avait mis en place. A travers les textes, le monde avait été “traduit”.

L'homme de douleurs de Dürer franchit cette illusion, ne sachant pas clairement que la perspective ne rapresente pas la réalité d'une façon «naturelle», mais c'est un dispositiv conceptuel brillant, forme symbolique complexe (terme utilisé par l'historien de l'art Erwin Panofsky4, terme qui vient du philosophe néo-kantien Ernst Cassirer5). En fait, la perspective privilégie certaines informations structurelles et certaines mesures, qui ne coïncident pas avec les lois de la vision. Les peintres du Quattrocento, en effet, avait transformé le plan de l'image dans une fenêtre par laquelle l'observateur pouvait accéder à un autre domaine.
Aprés la crise religieuse et sociale du début du Cinquecento (Sacco di Roma, 1527; Controriforma et Concilio di Trento, 1536), les informations structurelles géométriques de la Renaissance commencent à s'écrouler. L'artiste commence à exprimer plus directement ses inquiétudes. La crise de la perspective coïncide avec le geste de libération et l'affranchissement de la raison. L'espace n'est plus mesurable et rationnel: c'est le sentiment émané du corps d'un sujet qui est représenté.
La préciosité formelle de l'excentricité existentielle de l'être humain est symptôme d'une volonté de trouver une relation pleine avec le monde. L'être humain est enraciné: la mélancolie vise à balancer l'impuissance historique. L'homme est incapable de réconcilier le goût du monde avec son anxiété. Ce qui apparaît dans les représentations de Dürer est donc la forme d'un dessin intérieur, un espace intime, qui met en jeu des formes tourbillonantes et expressives. On arrive à perçevoir les mouvements de l'âme à travers les mouvements du corps6. Les visages sont chargés d'une tension expressive inhabituelle. Dans la représentation, on perd donc la frontalité, pour acquérir une position latérale: point de vue pour observer une réalité tendue, tortueux et insaisissable. Le diaphgrame entre l'art et la vie est un seuil inévitable à franchir. Dans la matiére, on trouve les questions existentielles d'un homme qui est en train de parcourir un cycle de vie horizontale, mais qui est aussi dans l'abîme du temps et de la mort.

Le signe de l'artiste contient l'irréversibilité temporelle des êtres vivants. Si le temps peut être represénté comme une ligne horizontale, les images élargient la représentation au-delà de ses propres limites, envahiant l'espace du spectateur, agissant comme médiateurs entre le spectateur et les sujets représentés. L'oeuvre d'art développe une forte tension à s'interroger; elle accompagne l'existence de Dürer et des êtres humains qui, par empathie, ressent la même question.
Sergio Givone7: “Dans la profondeur énigmatique et contradictoire de cette émission, dans le mutuel échange entre le spectateur et le condamné […], on ne peut pas voir qu'à travers les yeux des autres. Mais qu'est ce qu'on voit? L'objet de la vision se refuse, se nie. Nommez-le (la douleur qui sauve? souffrance nécessaire et rédemptrice? sacrifice?). Déterminéz-le dans un système de significations qui le précède et l'explique; c'est à dire le dépasser, en le transfigurant, le déformer. [...] Si on a un mouvement qui dépasse l'objet et représente la vérité, on perderait inévitablement le sens [...]".

Un double regard se déplace de la victime au spectateur, du spectateur aux victimes. C'est un regard qui connait l'indicible, qui se nourrit de l'invisible, qui est nourrie par les contradictions de la condition humaine. Qui se perd dans le vide expressif, le vide fou à travers lequel Dürer nous appelle.
La mélancolie n'est que le risque d'une perte qui en résulte. La mélancolie est le sentiment de celui - expert de la vanité et de la nullité de choses humaines - qui pousse son regard sur le vide universel et qui se laisse séduir, désespérant de l'activité humaine, mais aussi de la rédemption.

Dans l'auto-portrait du 1522, portrait de Weimar, Dürer offre son corps nu au spectateur. C'est une nudité absolue et inquiétante; tellement absolue que l'auteur a effacé les poils pubiens. C'est la chute totale du voile métaphysique: la possibilité refusée à s'accrocher à la rationalité traditionnellement assumée. La perception d'un avenir aveugle et plein d'angoisse. Franco Rella note également que dans cette répreséntation de Dürer il y a du vent qui vient de gauche. La mort s'est creusée son chemin pour devenir visible à la surface d'un corps en décomposition. L'imminence de la mort. Une prise de conscience inattendue qui se jette sur l'homme, comme un petit morceau d'une terre d'ailleurs.
L'œil de Dürer contemple ce qui échappe à la contemplation, du moment que l'homme de douleurs a été privé de son objet. C'est donc le silence à donner la parole à ce qui n'a pas de voix. Le savoir s'arrête au bord de quelque chose de profondément humaine, mais qui, au même temps, est indicible et informelle. Si la vérité est la parole qu'on tait – la parole comme moyen de penser - l'homme de douleurs est nécessairement vouée à l'échec. Mais il sacrifie quand-même le voile et la forme, la raison et la connaissance, pour nous montrer la vraie nature des êtres humains. Pour nous réveiller d'une tragédie sans voix; pour nous sauver de l'incapacité à communiquer.
Le silence de Dürer: le silence d'une expérience qui confine à l'indicible. Un silence qui l'immobilise. Le sacrifice qui devient nécessaire c'est le sacrifice du language qui, consciente de la dimension tragique de l'individue, est confronté à la mort. Le langage est puissant par absence, à partir du vide par lequelle il a été généré et qui l'alimente8. Voilà le language mélancolique.

Mais d'autre part, si l'homme arrivait à son terme, à un accomplissement, en comblant l'espace vide qui l'a généré, aurait-it trouvé une domeure, une patrie dans le monde? Serait-it un peu moin étranger par rapport à lui-même et au monde? Est-ce que ça serait possible?



La nudité extrême de Dürer s'explique précisément à partir de l'abandon à l'excès, à partir d'une volonté de tourner le regard vers l'abîme, de vouloir comprendre et partir, pour créer une connexion entre le singulier et l'universel. Mais il faut prendre le risque. L'homme de douleurs se met en jeu complètement, en laissant la raison qu'il venait de gagner. La nudité est cette ouverture.

Sur l'abîme de ce vertige, alors, quelle est le vrai signe de la nudité extrême?

"Etre nu devant le monde, face aux autres: aux yeux qui te regardent, aux choses qui tendent de tentacules invisibles et sinueux et qui, visqueux, effleurent la peau, s'insinuant dans les sombres recoins de ton corps, chemins pas connus, en touchant quelque chose d'inconnu dans nous même, dans le vague sentiment d'ibresse, de souffrance, d'abandon, peut-être de délire. La nudité n'est pas seulement une condiction, mais un état d'être: on devient ou re-devient nu. Être-nu modele l'expérience du monde. Expérience extrême, dans la solitude, dans l'acte érotique, quand on creuse dans nous-mêmes pour exprimer une nudité encore plus profonde, jamais séparée de la douleur, qui accompagne ce don qui est ouvert aux autres, qui s'offre en tant qu'être-nu», explique Franco Rella9.
La nudité comme “état d'être”: devenir nu ou re-devenir nu. Une nudité qui modele l'expérience du monde, Georges Bataille même aurait dit, en proposant une nouvelle connaissance, une nouvelle conscience. L'expérience intérieure de Bataille est donné au moment où l'homme décide de devenir communauté, en acceptant le sentiment d'égarement, d'incertitude et d'impuissance qui vient quand il essaie de se relier à l'infini et à la mort. C'est le choix de Dürer. L'homme moderne, maître de la méthode et de la raison, perçevoit une vérité ultime et déchirante. Il découvre l'univers dans ses contradictions internes. Il découvre en lui-même une partie maudite.

Cette “partie maudite» il ne faut pas la refuser, il faut la connaitre. Dans cette partie, les extrêmes antithétiques ne sont pas résolus, mais ils explosent dans leur force et d'une puissance déchirante. Tout est une mise en question infinie. L'expérience de l'homme moderne est donc une expérience pathétique, plein de pathos et de contradiction, où la pensée s'approche aux questions les plus radicales de l'existence. C'est une preuve entre le possible et l'inachèvement, dans laquelle l'homme doit aller au-delà de la pensée, au-delà de la raison.
La possibilité de se montrer dans une nudité profonde et de se pousser vers l'inconnu met en jeu des sentiments comme la souffrance et l'abandon. Une perte totale qui devient possibile. Il faut accepter la possiblité d'avoir peur, l'insécurité et la faiblesse. Il faut être sensibilisé. Acharnement, folie et douleur sont nécessaires pour commencer à pénétrer le mystère de l'inconnu, de signes, le chemin de la mise en jeu totale de soi. “Je suis affamé de me faire connaître, et ne me chaut à combien (de gens), pourvu que ce soit véritablement; ou pour dire mieux, je n'ai faim de rien, mais je crains mortellement d'être pris en échange (pour un autre) par ceux à qui il arrive de connaître mon nom” écrivait Montaigne10. Pour être vu dans une dimension dans laquelle on ne peut qu'être nu.


Voici la vérité poignante qui se penche vers nous à travers les yeux angoissés de l'homme de douleurs. La nudité de Dürer est à nous offerte. C'est une vérité actuelle. Dans un signe paradoxal, une vérité à la fois mortelle et vitale.

L'artiste, avait dit Rilke, doit se dresser vers la limite extrême: la dernière frontière. Qu'est ce qu'on trouve lorsqu'on atteigne ce seuil sinon la perte et la mort? La vie elle-même semble effrayée par cette image, par cette pensée.
Ceci c'est l'enseignement de l'homme de douleus de Dürer.

Francesca Rolla


Je suis corps tout entier et rien d'autre.
L'âme n'est qu'on mot désignant une parcelle du corps...
Instrument de ton corps, telle est aussita petite raison que tu appelles “esprit”, mon frère, un petit instrument et un jouet de ta grande raison.
Tu dis “moi” et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grande, c'est, ce à quoi tu ne veux pas croire:
ton corps et sa grande raison: il ne dit pas moi, mais il est moi en agissant.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885





1. Albrecht Dürer (1471, Nürnberg - 1528, Nürnberg), “Autoportrait nu” / “Self-Portrait in the Nude”, 1505, Brush and ink heightened with white on green tinted paper, 29 x 15 cm, Kunstsammlung, Weimar.
2. Cfr. Franco Rella, Negli occhi di Vincent. L'io nello specchio del mondo, Feltrinelli. La traduction est la mienne.
3. De Antonio (di Tuccio) Manetti, Vita di Filippo di Ser Brunelleschi, 1485: “...quello ch'e dipintori oggi dicono prospettiva; … è una parte di quella scienza, che è in effetto porre bene e con ragione le diminuzioni et accrescimenti che appaiono agli occhi degli uomini delle cose di lungi e da presso: casamenti, piani e montagne e paesi d'ogni ragione e in ogni luogo, le figure e l'altre cose, di quella misura che s'apartiene a quella distanza che le si mostrano da lungi...”
4. La prospettiva come forma simbolica, 1924.
5. Cassirer a élaboré une théorie par rapport aux formes symboliques (Philosophie des formes symboliques, 1921 -1929), à partir d'une réflexion sur le nouveau concept d'espace et de temps implicite dans (??) la relativité d'Einstein. Ce n'est pas exagéré d'interpréter les formes à priori de Kant (qui organisent la connaissance des phénomènes) comme des formes symboliques de la culture occidentale: des lunettes à travers lesquelles les européens instruits voyaient le monde il y a deux cents ans. Parmi ces formes Kant inclus, par exemple, la relation de cause à effet. La vision de Kant comprennait également l'espace euclidien et le temps linéaire et unique de l'observateur: conditions a priori de l'expérience sensorielle. L'intuition "pure" de l'espace était la condition de toute représentation sensible, tandis que l'intuition “pure” intuition du temps était la condition de toute représentation mentale. La géométrie euclidienne exprimait les vérités a priori confirmées par les intuitions et non plus par l'expérience des sens.
6. “Sono alcuni movimenti d'animo detti affezione: come era dolore, guadio et timore, desiderio et simili altri; sono movimenti de corpi: muovonsi i corpi in più modi, cresciendo, discrescendo, infermandosi, guarendo et mutandosi da luogo a luogo. Ma noi dipintori i quali volliamo coi movimenti delle membra mostrare i movimenti dell'animo, solo riferiamo di quel movimento sifa mutando el luogo.” De Leon Battista Alberti, Della Pittura, a cura di L. Mallè, Firenze 1950, p.95.
7. “Accade così che dalla enigmatica e contraddittoria profondità di quel mostrarsi, il mutuo scambio d'intesa tra lo spettatore e il condannato, che si “è fatto maledizione per noi”, diventi una cosa sola e l'uno non possa vedere che con gli occhi dell'altro. Ma vedere che cosa? L'oggetto della visione si sottrae, si nega. Nominarlo (dolore che salva? Sofferenza necessaria e redentrice? Sacrificio?), determinarlo all'interno di un sistema di significati che lo precede e lo spiega, sarebbe già oltrepassarlo, trasfigurarlo, snaturarlo. La sua natura è invece quella dell'inoltre-passabilità. Se un movimento oltrepassante fosse dato, e questo movimento rappresentasse la sua verità, ne andrebbe inevitabilmente perduto il senso: non più identico a sé, ma strumento di altro.” ”Sergio Givone, Storia del nulla, Laterza, p.88. La traduction est la mienne.
8. Cfr. Masiero, Estetica dell’architettura, Il mulino.
9. Franco Rella, Dall'esilio. La creazione artistica come testimonianza, Feltrinelli. La traduction est la mienne.
10. Montaigne, Les Essais.