jeudi 18 novembre 2010

DISTORSIONS - André Kertész - Analyse d'oeuvre

Distorsions 1933
André Kertész

Artiste au langage photographique novateur, Kertész nous habitue très tôt à ses décalages de points de vue ou déformations de sujets.
En 1930, alors que le magazine VU lui commande un portrait de son nouveau rédacteur en chef, Carlo Rim, il réalise une image étonnante en faisant poser son modèle devant un miroir déformant de fête foraine.
En 1933, suite à la demande de la revue de charme, Le Sourire, Kertész ira encore plus loin en produisant des photographies de nus féminins distordus. Plus connue sous le nom de Distorsions, l’image que nous avons sous les yeux fait partie intégrante de la série.

Nichée au cœur de l’acte « France, 1925-1936 » , cette série de douze photographies éveille la curiosité des spectateurs.
Alors installé à Paris, et après avoir travaillé sur les « déformations optiques » et projections d’ombres ; gardons en effet en mémoire le fameux Nageur sous l’eau (1917) ou encore La Fourchette (1928); Kertèsz est toujours à la recherche d’images insolites.
Cette commande lui permet alors d’assouvir sa soif d’innovations.
En demandant à deux modèles de poser pour lui face à ces miroirs déformants, Kertész donne en effet naissance à d’étranges tirages noirs et blancs.
Portraits aux étirements grotesques, livrant un corps de femme déformé, malmené par le choix du point de vue.
Comme nous pouvons le voir ici, même si la figure féminine reste reconnaissable, les membres le sont, eux, difficilement. Bras et seins distordus, trop épais pour un buste qui conserve ses proportions habituelles.
Un cou distendu, des pieds allongés, une image faite de courbes, qui pourrait presque faire écho aux corps, bien trop en chair, des Trois Grâces de Rubens, ou à ses femmes à la colonne vertébrale bien trop longue.
Le spectateur pourra cependant s’interroger. Pourquoi aliéner les attributs d’un corps féminin, lorsqu’il s’agit de publications relatives à un magazine de charme ? La beauté et la sensualité de celui-ci serait-il donc intrinsèques ?
Explorant ainsi les différentes facettes de la « mécanique du désir » et de « l’inconscient physique ».
Des tirages magnifiques d’autant plus intéressants qu’ils explorent la monstration de la monstruosité, à l’image d’Hans Bellmer et de sa Poupée, tantôt démembrée, amputée ou décapitée.
L’audace de Kertész ne rencontra cependant que peu d’intérêt, et ce n’est qu’en 1976 que ces douze photographies seront réunies et rééditées sous la forme d’un livre.

Explorant ici les domaines de la beauté et de la monstruosité à travers les corps de femmes violentés par l’objectif d’un appareil photo, Kertesz fait à nouveau preuve de son originalité.
Flirtant tout au long de sa carrière avec les contemporains de son époque, qu’ils s’agissent des reporters photos ou des surréalistes, il n’appartient cependant à aucun mouvement. Toujours à la lisière, en perpétuelle quête, et se défendant constamment d’être sous l’influence d’un quelconque mouvement.
Serait-ce là la clé d’une si longue carrière ? C’est ce qui contribuera, cependant, à faire d’André Kertész l’une des plus grandes figures de l’avant-garde photographique du XXème siècle.

Ann-flore.
246054.

André Kertész
Du 28 Septembre 2010 au 06 Février 2011
Galerie Nationale du Jeu de Paume
1 Place de la Concorde
75008 Paris

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