lundi 15 novembre 2010

L'homme de douleurs

L'HOMME DE DOULEURS1


Certe conquiste dell'anima e della conoscenza
non sono possibili senza malattia.

Th. Mann



L'abîme vertigineux dans lequel l'être humain inexorablement se trouve, c'est d'être tendu entre la vie et la mort. L'individue habite un espace intérmediaire, atopos dans l'existence et dans la vérité, sans domicile par rapport à lui-même: entre la vie et la mort, entre la lumière et l'obscurité, il est contraint à un non-lieu. Il vit le paradoxe inattendu de la contradiction; il demeure dans une fracture obscure. Il perçoit une lumière qui n'est pas à sa portée, pas accessible, mais qui l'appel et le convoque, lui adressant la parole individuellement et dramatiquement.

La questionnement d'un homme exilé - sujet qui se déplace entre les formes et qui vie l'expérience de l'esprit, du corps et du language qui parle cette complexité - est condensé dans ses yeux. La conscience de l'absence d'un lieu sûr et bien defini, et une pensée au sujet de la limite et de la frontière à essayer, tout ça charge l'homme du XVIème siècle de tensions extrêmes et de contradictions. Malgré la domination du monde récemment acquie par la science et la représentation dialectique.

La pensée se mesure avec les questions les plus radicales de l'existence, à travers la raison et le pathos. Le regard qui se pose à la limite du monde contient une verité du matrice contradictoire. La mort jousque-là étrangère se dépose, comme un voile, comme une attitude qui gêne. Il n'y a pas de mots, on ne sait plus dans quelle direction chercher. On rencontre d'autres visages, marqué eux-même par des rides et des plis. Le corps souffle les signes d'une mort indicible.

Le caractère inexorable de cette questionnement s'impose par l'absence persistante de sa réponse.


Les yeux d'Albrecht Dürer nous fixent, creux et étrangers. La souffrance dans ce regard embué de solitude et fragilité nous remplit de douleur. Pourquoi Dürer se presente d'une nudité terrible et choquante? Et comment est-ce qu'on peut répondre à cette souffrance si terminale? Comment l'homme de douleurs a été représenté par l'artiste?


«Le dessin mesure 29,2 x 15 cm, 4".” - je mentionne toute une description de l'auto-portrait présenté par Franco Rella2 à cause de sa clarté et sa précision - "A gauche, un bord plus clair tombe d'en haut - où on voit la caractéristique A, qui comprend le D, avec laquelle Dürer signe ses œuvres -, d'une façon irrégulière jusqu'ils s'étend, comme une tache qui se propage. Le bord perd ses marges et couvre le bras gauche de Dürer, du coude vers le bas de la page, en accompagnant la courbe de la hanche et de la jambe. A droit, le bord est plus grand, et se rend régulièrement à l'épaule, pour s'approcher du buste. Ce bord couvre complètement le bras, en glissant long le corps jusqu'à la hanche. Une lame noire, de la hanche au genou, effrange cette limite comme une aile de l'obscurité. Entre ces deux colonnes - marges étrangers d'un antre d'abord réguliers, ensuite sinueux et incertains - on trouve le corps nu de Dürer. […]
Le seul vêtement qu'il port c'est une résille qui recueille les cheveux ébouriffés. Cette résille révéle complètement le front, l'oreille, et les yeux écarquillés, qu'ils semblent contenir toute l'obscurité traversée pour arriver jousqu'ici, devant la porte de l'antre. Par rapport aux épaules, la tête est penchée plus avant, même plus que la hanche, comme si les yeux de Dürer visent vers le regard du spectateur. Le corps est puissant, mais gauche par la torsion nécessaire à se pousser en avant. Le corps est nu, d'une nudité jamais vue. Une petite touffe de poils pubiens, comme un petit reste d'une dénudation qui a touché le dépouillement, révéle encore plus les parties génitales. Ne sont pas ceux des héros mythologiques, ou d'Adam, que Dürer a également peint. C'est l'organe génital d'Albrecht Dürer. Le scrotum pend comme un sac qui est rond et pèse seulement là où les testicules se trouvent. Un pénis enflé, interrompu par le relief du gland; le trou excréteur qu'on voit à cet extrémité.
Une lumière à droite. Le corps est légèrement tendu vers la droite. Le côté gauche, qui se penche un peu plus vers nous, est traversé par l'ombre jusqu'à la hauteur des organes génitaux. La jambe gauche se penche en avant, et sur elle, dans un tremblement obscure, l'ombre du pénis et du scrotum est dessiné, alors que la jambe droite, immobile, s'assombrit.
Rella poursuit: «Dürer a essayé ce récit dans une série de trois gravures: Le Chevalier, la mort et le diable en 1513, le Saint Jérôme dans son cabinet d'étude et Mélencolie I 1514 (Vienne). Dans la première gravure, le chevalier avance fière, apparemment indomptable, mais à son côté il y a la mort qui le fixe, qui se leve sur lui, pour qu'il puisse la voir; le sablier marque son temps; derrière lui le diable monstrueux marche. Les monstres l'ont suivi à l'extérieur de la caverne, ils marchent du même pas, ils l'accompagnent. Le magnifique cheval qu'il monte ne pourra plus le protéger. On trouve le sablier sur la tête de Saint Jérôme, plongé dans ses études, tandis que les animaux domestiques et sauvages sont calmes sur le sol devant lui. Le Chevalier et le Saint: deux formes d'exorciser la mort et l'angoisse de la mort. La troisième gravure raprésente directement Albrecht Dürer.
Un ange silencieux et mélancolique est au centre de l'incision. Le poing gauche soutient la tête avec la couronne de laurier de l'artiste: ses yeux regardent droit, dans le vide. La main droite tient un compas ouvert, immobile, appuyé peut-être sur une feuille de papier entre ses genoux ouverts, qui ne peut pas le soutenir, et qui, donc, ne permettront pas aucun cercle. Aux pieds de Saint Jérôme il y a un chien pelottoné, comme le chien qui courait sous le cheval de Le Chevalier, la mort et le diable. Il y a aussi d'autres objets de la poiesis, pruduits par l'homme: une équerre, un bouvet, des clous, un marteau, une sphère... Derrière lui, sur le mur, le cadre de numéros de Pythagore, un tableau de proportions que Dürer avait étudié et sur lequel il avait fondé sa théorie de la représentation. Au-dessus, une clochette immobile; à gauche une balance immobile elle même. Au milieu, encore, le sablier: la seule chose qui bouge dans l'incision est juste la sable qui augmente au fond, déjà une petite colline, qui continuera à monter jusqu'à la fin, où il n'y aurait plus du temps.
Un petit ange se tient à côté du grand ange. Immobile et accablé. A l'extérieur, sur l'eau immobile et éclairée soit par une lumière à droite, soit par un rayon du soleil au crépuscule derrière lui, une chouette en vol stationnaire: oiseau qui se déplace précisément à la lumière entre le jour et la nuit. Ses ailes déployés supportent un papier; sur lequel c'est écrit “MELANCOLIA I"”.


Une douleur insoluble, qui influence le regard, modifie l'attitude et creuse profondément. Qu'est ce qu'il voit Dürer, qu'il n'a plus autre choix que montrer au public son corps nu, inachevé et fragmenté? Pourquoi il est obligé à se découvrir avec une telle intensité? Pourquoi, en regardant la représentation, on pressent très fortement que l'auteur fait référence à une douleur qui n'est pas seulment subjective et personnelle? Quelle est le message définitive et irrévocable qui pénétre les mystères de l'être humain?

Le visage qui appelle notre attention crie la douleur muette d'une experience toute humaine. Nous nous arrêtons, on peut pas faire autrement, en essayant de déchiffrer les signes qui le traversent et qui le marquent. Sans raison, ça ne suffit pas. Comme dans le tragique énigme apollinien, la tentative c'est de déchiffrer des yeux inquiets et l'attitude d'un corps avec les muscles détendus, les épaules décharnées et le ventre lascif qui se replie sur lui-même. La rationalité n'a aucun point d'appui. Même les objets qui sont positionnés dans la représentation de Dürer - normalement ancres materielles de forme et de temps - n'arrivent pas à soulager cette douleur: au contraire, ils s'allongent sur le sol comme fragments de quelque chose qui a été finalement brisée, comme restes et petites traces d'une catastrophe consommée en silence. Les éléments pèsent plus de montagnes de gravats.


Dans le Quattrocento l'homme a finalement réussi à exorciser le chaos par la découverte de la raison, de règles, et des utils produits et améliorés selon un processus évolutif. Dürer lui-même, en traversant l'idéologie anthropocentrique, avait mesuré l'univers et l'être humain. Dürer pouvait aussi profiter de l'organisation de la perspective3 de l'espace, qui permettait au sujet de devenir point de vue lui-même. On utilisait un plan hypothétique de projection orthogonale, afin de réduire la tridimensionnalité du réel à deux dimensions. Par la perspective, système d'objectivation, le monde était encadré, sélectionné et reproductible.
Un réel qui dévenait mesurable - capturé par une série d'abstractions qui relativisait toute donnée perceptive – avait permis la possibilité d'ouvrir et de découvrir l'imagination. L'homme était un véritable instrument d'investigation toujours ramené au possible. Le temps était simultané et aligné à chaque spectateur. On peut dire que le temps était spatialisé (ayant représenté par une droite dont les points représentent les instants du temps).
Jusqu'à l'Humanisme, les savants avaient parlé des anciens philosophes comme s'ils étaient encore vivents. L'humanisme avait redécouvert la puissance de l'écriture, tout en reconnaissant l'autorité de documents et sa propre interprétation. Le passé, comme autre par rapport au présent, apparissait non seulement comme l'occasion de définir la temporalité dans un domaine humain, mais aussi comme démontration que l'avenir pouvait être étudié et modifié. Par la découverte de textes et par les interprétations (par exemple le De Pictura de Gian Battista Alberti), l'individu avait connu la possibilité de contrôler le processus dangereux de relativisation que la séparation entre la vérité et l'être humain avait mis en place. A travers les textes, le monde avait été “traduit”.

L'homme de douleurs de Dürer franchit cette illusion, ne sachant pas clairement que la perspective ne rapresente pas la réalité d'une façon «naturelle», mais c'est un dispositiv conceptuel brillant, forme symbolique complexe (terme utilisé par l'historien de l'art Erwin Panofsky4, terme qui vient du philosophe néo-kantien Ernst Cassirer5). En fait, la perspective privilégie certaines informations structurelles et certaines mesures, qui ne coïncident pas avec les lois de la vision. Les peintres du Quattrocento, en effet, avait transformé le plan de l'image dans une fenêtre par laquelle l'observateur pouvait accéder à un autre domaine.
Aprés la crise religieuse et sociale du début du Cinquecento (Sacco di Roma, 1527; Controriforma et Concilio di Trento, 1536), les informations structurelles géométriques de la Renaissance commencent à s'écrouler. L'artiste commence à exprimer plus directement ses inquiétudes. La crise de la perspective coïncide avec le geste de libération et l'affranchissement de la raison. L'espace n'est plus mesurable et rationnel: c'est le sentiment émané du corps d'un sujet qui est représenté.
La préciosité formelle de l'excentricité existentielle de l'être humain est symptôme d'une volonté de trouver une relation pleine avec le monde. L'être humain est enraciné: la mélancolie vise à balancer l'impuissance historique. L'homme est incapable de réconcilier le goût du monde avec son anxiété. Ce qui apparaît dans les représentations de Dürer est donc la forme d'un dessin intérieur, un espace intime, qui met en jeu des formes tourbillonantes et expressives. On arrive à perçevoir les mouvements de l'âme à travers les mouvements du corps6. Les visages sont chargés d'une tension expressive inhabituelle. Dans la représentation, on perd donc la frontalité, pour acquérir une position latérale: point de vue pour observer une réalité tendue, tortueux et insaisissable. Le diaphgrame entre l'art et la vie est un seuil inévitable à franchir. Dans la matiére, on trouve les questions existentielles d'un homme qui est en train de parcourir un cycle de vie horizontale, mais qui est aussi dans l'abîme du temps et de la mort.

Le signe de l'artiste contient l'irréversibilité temporelle des êtres vivants. Si le temps peut être represénté comme une ligne horizontale, les images élargient la représentation au-delà de ses propres limites, envahiant l'espace du spectateur, agissant comme médiateurs entre le spectateur et les sujets représentés. L'oeuvre d'art développe une forte tension à s'interroger; elle accompagne l'existence de Dürer et des êtres humains qui, par empathie, ressent la même question.
Sergio Givone7: “Dans la profondeur énigmatique et contradictoire de cette émission, dans le mutuel échange entre le spectateur et le condamné […], on ne peut pas voir qu'à travers les yeux des autres. Mais qu'est ce qu'on voit? L'objet de la vision se refuse, se nie. Nommez-le (la douleur qui sauve? souffrance nécessaire et rédemptrice? sacrifice?). Déterminéz-le dans un système de significations qui le précède et l'explique; c'est à dire le dépasser, en le transfigurant, le déformer. [...] Si on a un mouvement qui dépasse l'objet et représente la vérité, on perderait inévitablement le sens [...]".

Un double regard se déplace de la victime au spectateur, du spectateur aux victimes. C'est un regard qui connait l'indicible, qui se nourrit de l'invisible, qui est nourrie par les contradictions de la condition humaine. Qui se perd dans le vide expressif, le vide fou à travers lequel Dürer nous appelle.
La mélancolie n'est que le risque d'une perte qui en résulte. La mélancolie est le sentiment de celui - expert de la vanité et de la nullité de choses humaines - qui pousse son regard sur le vide universel et qui se laisse séduir, désespérant de l'activité humaine, mais aussi de la rédemption.

Dans l'auto-portrait du 1522, portrait de Weimar, Dürer offre son corps nu au spectateur. C'est une nudité absolue et inquiétante; tellement absolue que l'auteur a effacé les poils pubiens. C'est la chute totale du voile métaphysique: la possibilité refusée à s'accrocher à la rationalité traditionnellement assumée. La perception d'un avenir aveugle et plein d'angoisse. Franco Rella note également que dans cette répreséntation de Dürer il y a du vent qui vient de gauche. La mort s'est creusée son chemin pour devenir visible à la surface d'un corps en décomposition. L'imminence de la mort. Une prise de conscience inattendue qui se jette sur l'homme, comme un petit morceau d'une terre d'ailleurs.
L'œil de Dürer contemple ce qui échappe à la contemplation, du moment que l'homme de douleurs a été privé de son objet. C'est donc le silence à donner la parole à ce qui n'a pas de voix. Le savoir s'arrête au bord de quelque chose de profondément humaine, mais qui, au même temps, est indicible et informelle. Si la vérité est la parole qu'on tait – la parole comme moyen de penser - l'homme de douleurs est nécessairement vouée à l'échec. Mais il sacrifie quand-même le voile et la forme, la raison et la connaissance, pour nous montrer la vraie nature des êtres humains. Pour nous réveiller d'une tragédie sans voix; pour nous sauver de l'incapacité à communiquer.
Le silence de Dürer: le silence d'une expérience qui confine à l'indicible. Un silence qui l'immobilise. Le sacrifice qui devient nécessaire c'est le sacrifice du language qui, consciente de la dimension tragique de l'individue, est confronté à la mort. Le langage est puissant par absence, à partir du vide par lequelle il a été généré et qui l'alimente8. Voilà le language mélancolique.

Mais d'autre part, si l'homme arrivait à son terme, à un accomplissement, en comblant l'espace vide qui l'a généré, aurait-it trouvé une domeure, une patrie dans le monde? Serait-it un peu moin étranger par rapport à lui-même et au monde? Est-ce que ça serait possible?



La nudité extrême de Dürer s'explique précisément à partir de l'abandon à l'excès, à partir d'une volonté de tourner le regard vers l'abîme, de vouloir comprendre et partir, pour créer une connexion entre le singulier et l'universel. Mais il faut prendre le risque. L'homme de douleurs se met en jeu complètement, en laissant la raison qu'il venait de gagner. La nudité est cette ouverture.

Sur l'abîme de ce vertige, alors, quelle est le vrai signe de la nudité extrême?

"Etre nu devant le monde, face aux autres: aux yeux qui te regardent, aux choses qui tendent de tentacules invisibles et sinueux et qui, visqueux, effleurent la peau, s'insinuant dans les sombres recoins de ton corps, chemins pas connus, en touchant quelque chose d'inconnu dans nous même, dans le vague sentiment d'ibresse, de souffrance, d'abandon, peut-être de délire. La nudité n'est pas seulement une condiction, mais un état d'être: on devient ou re-devient nu. Être-nu modele l'expérience du monde. Expérience extrême, dans la solitude, dans l'acte érotique, quand on creuse dans nous-mêmes pour exprimer une nudité encore plus profonde, jamais séparée de la douleur, qui accompagne ce don qui est ouvert aux autres, qui s'offre en tant qu'être-nu», explique Franco Rella9.
La nudité comme “état d'être”: devenir nu ou re-devenir nu. Une nudité qui modele l'expérience du monde, Georges Bataille même aurait dit, en proposant une nouvelle connaissance, une nouvelle conscience. L'expérience intérieure de Bataille est donné au moment où l'homme décide de devenir communauté, en acceptant le sentiment d'égarement, d'incertitude et d'impuissance qui vient quand il essaie de se relier à l'infini et à la mort. C'est le choix de Dürer. L'homme moderne, maître de la méthode et de la raison, perçevoit une vérité ultime et déchirante. Il découvre l'univers dans ses contradictions internes. Il découvre en lui-même une partie maudite.

Cette “partie maudite» il ne faut pas la refuser, il faut la connaitre. Dans cette partie, les extrêmes antithétiques ne sont pas résolus, mais ils explosent dans leur force et d'une puissance déchirante. Tout est une mise en question infinie. L'expérience de l'homme moderne est donc une expérience pathétique, plein de pathos et de contradiction, où la pensée s'approche aux questions les plus radicales de l'existence. C'est une preuve entre le possible et l'inachèvement, dans laquelle l'homme doit aller au-delà de la pensée, au-delà de la raison.
La possibilité de se montrer dans une nudité profonde et de se pousser vers l'inconnu met en jeu des sentiments comme la souffrance et l'abandon. Une perte totale qui devient possibile. Il faut accepter la possiblité d'avoir peur, l'insécurité et la faiblesse. Il faut être sensibilisé. Acharnement, folie et douleur sont nécessaires pour commencer à pénétrer le mystère de l'inconnu, de signes, le chemin de la mise en jeu totale de soi. “Je suis affamé de me faire connaître, et ne me chaut à combien (de gens), pourvu que ce soit véritablement; ou pour dire mieux, je n'ai faim de rien, mais je crains mortellement d'être pris en échange (pour un autre) par ceux à qui il arrive de connaître mon nom” écrivait Montaigne10. Pour être vu dans une dimension dans laquelle on ne peut qu'être nu.


Voici la vérité poignante qui se penche vers nous à travers les yeux angoissés de l'homme de douleurs. La nudité de Dürer est à nous offerte. C'est une vérité actuelle. Dans un signe paradoxal, une vérité à la fois mortelle et vitale.

L'artiste, avait dit Rilke, doit se dresser vers la limite extrême: la dernière frontière. Qu'est ce qu'on trouve lorsqu'on atteigne ce seuil sinon la perte et la mort? La vie elle-même semble effrayée par cette image, par cette pensée.
Ceci c'est l'enseignement de l'homme de douleus de Dürer.

Francesca Rolla


Je suis corps tout entier et rien d'autre.
L'âme n'est qu'on mot désignant une parcelle du corps...
Instrument de ton corps, telle est aussita petite raison que tu appelles “esprit”, mon frère, un petit instrument et un jouet de ta grande raison.
Tu dis “moi” et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grande, c'est, ce à quoi tu ne veux pas croire:
ton corps et sa grande raison: il ne dit pas moi, mais il est moi en agissant.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885





1. Albrecht Dürer (1471, Nürnberg - 1528, Nürnberg), “Autoportrait nu” / “Self-Portrait in the Nude”, 1505, Brush and ink heightened with white on green tinted paper, 29 x 15 cm, Kunstsammlung, Weimar.
2. Cfr. Franco Rella, Negli occhi di Vincent. L'io nello specchio del mondo, Feltrinelli. La traduction est la mienne.
3. De Antonio (di Tuccio) Manetti, Vita di Filippo di Ser Brunelleschi, 1485: “...quello ch'e dipintori oggi dicono prospettiva; … è una parte di quella scienza, che è in effetto porre bene e con ragione le diminuzioni et accrescimenti che appaiono agli occhi degli uomini delle cose di lungi e da presso: casamenti, piani e montagne e paesi d'ogni ragione e in ogni luogo, le figure e l'altre cose, di quella misura che s'apartiene a quella distanza che le si mostrano da lungi...”
4. La prospettiva come forma simbolica, 1924.
5. Cassirer a élaboré une théorie par rapport aux formes symboliques (Philosophie des formes symboliques, 1921 -1929), à partir d'une réflexion sur le nouveau concept d'espace et de temps implicite dans (??) la relativité d'Einstein. Ce n'est pas exagéré d'interpréter les formes à priori de Kant (qui organisent la connaissance des phénomènes) comme des formes symboliques de la culture occidentale: des lunettes à travers lesquelles les européens instruits voyaient le monde il y a deux cents ans. Parmi ces formes Kant inclus, par exemple, la relation de cause à effet. La vision de Kant comprennait également l'espace euclidien et le temps linéaire et unique de l'observateur: conditions a priori de l'expérience sensorielle. L'intuition "pure" de l'espace était la condition de toute représentation sensible, tandis que l'intuition “pure” intuition du temps était la condition de toute représentation mentale. La géométrie euclidienne exprimait les vérités a priori confirmées par les intuitions et non plus par l'expérience des sens.
6. “Sono alcuni movimenti d'animo detti affezione: come era dolore, guadio et timore, desiderio et simili altri; sono movimenti de corpi: muovonsi i corpi in più modi, cresciendo, discrescendo, infermandosi, guarendo et mutandosi da luogo a luogo. Ma noi dipintori i quali volliamo coi movimenti delle membra mostrare i movimenti dell'animo, solo riferiamo di quel movimento sifa mutando el luogo.” De Leon Battista Alberti, Della Pittura, a cura di L. Mallè, Firenze 1950, p.95.
7. “Accade così che dalla enigmatica e contraddittoria profondità di quel mostrarsi, il mutuo scambio d'intesa tra lo spettatore e il condannato, che si “è fatto maledizione per noi”, diventi una cosa sola e l'uno non possa vedere che con gli occhi dell'altro. Ma vedere che cosa? L'oggetto della visione si sottrae, si nega. Nominarlo (dolore che salva? Sofferenza necessaria e redentrice? Sacrificio?), determinarlo all'interno di un sistema di significati che lo precede e lo spiega, sarebbe già oltrepassarlo, trasfigurarlo, snaturarlo. La sua natura è invece quella dell'inoltre-passabilità. Se un movimento oltrepassante fosse dato, e questo movimento rappresentasse la sua verità, ne andrebbe inevitabilmente perduto il senso: non più identico a sé, ma strumento di altro.” ”Sergio Givone, Storia del nulla, Laterza, p.88. La traduction est la mienne.
8. Cfr. Masiero, Estetica dell’architettura, Il mulino.
9. Franco Rella, Dall'esilio. La creazione artistica come testimonianza, Feltrinelli. La traduction est la mienne.
10. Montaigne, Les Essais.

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