jeudi 18 novembre 2010

Kertész - JEU DE PAUME

L’exposition consacrée à André Kertész au Jeu de Paume, des mois de Septembre à Février 2011, s’avère être la première véritable rétrospective de l’artiste en Europe. Elle rassemble en effet un grand nombre d’épreuves et de documents originaux.
Photographe Hongrois du XXème siècle des plus renommés, Kertész et son œuvre se révèlent en effet êtres des figures majeures de l’histoire de la photographie et de ses avant-gardes.

La présente exposition tente alors, à travers un ensemble conséquent de tirages et travaux récoltés, de retracer l’étonnant parcours d’André Kertész.
Elle dévoile, pas à pas, étapes par étapes, cette carrière si longue et prolifique. De la naissance de l’artiste en Hongrie, à son travail en France, plus particulièrement à Paris, jusqu’à son arrivée à New York, pour enfin aboutir à sa « renaissance ».
Un hommage à cette si grande singularité, tâchant d’être le plus exhaustif possible et proche du déroulement de la vie de l’artiste.


La sensibilité avec laquelle l’exposition à été orchestré transparaît en effet dans l’organisation des documents. Qu’ils s’agissent de tirages ou d’archives, tous sont arrangés avec un respect certain, suivant un axe chronologique.
Mis en place par les commissaires Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq, l’exposition se déroule en cinq actes principaux. Parties dans lesquels viendront se nicher quelques petits interstices ou « séries spéciales ».

Ce premier acte, intitulé « Hongrie 1894-1925. « D’andor à André » s’articulera comme nous l’aurons compris autour de la jeunesse de Kertész.
Né à Budapest en 1894 au sein d’une famille bourgeoise, André, né Andor, Kertész n’acquérra son premier appareil photo qu’en 1912.
De ces premiers petits tirages en Noir et Blanc nous retiendrons surtout son attachement à la campagne, aux animaux, flâneries et portraits de famille. Des tirages d’ailleurs si petits (4 x 6 cm), que le spectateur est obligé de les observer à la loupe, pénétrant directement dans l’univers intimiste de l’artiste.
Ensuite enrôlé dans l’armée austro-hongroise en 1915, Kertész met en images l’anodin du quotidien des soldats.
Il se révèle ensuite novateur en photographiant de nuit, ou sous l’eau dès 1917 (Nageur sous l’eau), jouant avec les contrastes et les formes de ces objets photographiques.
Andor s’affirme, passant d’un caractère presque sentimental de la photographie à André, libéré et novateur.

Kertész quitte ensuite sa Hongrie natale et vient s’installer à Paris. « France, 1925-1936. Le jardin d’André Kertész » retrace l’arrivée de l’artiste au sein d’un cercle de compatriotes émigrés, parfois sculpteur, comme Beöthy, ou danseuse comme Förstner. Il évolue donc au sein d’un milieu culturel artistique. Il réalise ainsi des portraits d’artistes décalés, et des vues d’ateliers dès 1927, comme celui de Mondrian. Les formats s’agrandissent, et Kertész continue de pratiquer la photographie de nuit. Exemples de Square Jolivet la nuit (1927), ou Daisy Bar Montmartre (1930), halots de lumière, ombres portées des lampadaires ou personnages. Des personnages d’ailleurs souvent fuyants. On comprend alors que Kertész joue avec les notions de présence et d’absence.
Kertész travaille également pour la presse, s’initie au reportage photographique et participe à plusieurs expositions importantes, dont « Film und Photo » en 1929, à Stuttgart, aux côtés d’artistes internationaux.
Kertész reste tout de même marginal et indépendant à ses contemporains. La succursale des Distorsions vient en effet illustrer avec brio l’intérêt de l’artiste pour les images insolites. Sous nos yeux se dévoilent objets et corps déformés,
L’artiste continue à étudier la projection des ombres, exemple de Chaises dans la bibliothèque américaine en 1928, image qui donnent naissance à des objets étirables à l’infini.
Le spectateur est ensuite invité à grimper quelques escaliers. Nous quittons alors ces deux premières salles à l’ambiance si mystérieuse pour pénétrer dans ce qui sera appelé « Reportage et illustration ».

Dès 1928, la création du magazine VU, permet à Kertész de publier ses photographies aux côtés de Germaine Krull et Eli Lotar. Grâce à la définition de sujets préalable par Lucien Vogel, directeur de la revue, le monde de la photographie voit la naissance du « reportage photographique ».
Kertész voit également sa réputation renforcée par la publication de trois livres, Enfants en 1933, Nos amis les bêtes en 1936 et Paris vu par André Kertész en 1934, véritables points de vue subjectifs de l’artiste quant à la ville dans laquelle il vit.

Kertész quitte finalement Paris pour s’installer à New York en octobre 1936, et ce jusqu’à la fin de ses jours.
L’occasion pour nos deux commissaires d’explorer un pan de sa carrière sous un autre angle, « New York, 1936-1962. Un nuage égaré ».
Motivé par la signature d’un contrat avec l’agence Keystone, l’élan de Kertész s’essouffle peu à peu. Limité à sa condition d’étranger, il est réticent et contraint d’accepter d’autres engagements, exemple de sa collaboration avec « House & Garden ».
L’artiste s’installe par la suite dans un appartement, lui permettant ainsi de photographier les toits de la ville, ses terrasses et ses cheminées. Il devient « guetteur » et crée d’étranges images aux constructions souvent géométriques ou symétriques. Loin de s’intéresser à la vie de quartiers et à la population de la ville, Kertész parcellise à l’extrême sa vision de New York. Exemple des escaliers barrant la surface d’un immeuble, Escaliers de secours New York, 1949, ou encore Autour de l’hôpital St Vincent, 1961, dont la construction particulière fait vivement écho aux tableaux de Mondrian.
Des images comme expressions acerbes d’un sentiment de mélancolie.
Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq choisiront d’ailleurs le titre d’une photographie réalisée en 1937, Nuage égaré, pour baptiser cette section. Tirage qui, à lui seul, pourrait résumer la recherche de Kertesz pour les images de solitude, images vidées de toute présence humaine.
L’ultime photographie qui viendra clôturer cet acte n’est autre que La Martinique, 1er janvier 1972, silhouette floue d’un personnage pensif face à l’infini de l’océan. Une image qui s’impose comme une conclusion funeste, et qui pourrait être le reflet d’André lui-même.

La carrière de Kertész connaît cependant un renouveau. C’est l’objet de cette ultime partie, « Retours et renouveau, 1963-1985 ». Deux ans après avoir pris sa retraite, l’artiste est sollicité par la revue Camera. Il obtient alors quelques expositions personnelles et entame une relecture de son travail.
Il prouve également qu’il est un homme qui sait vivre avec son temps en s’intéressant aux moyens techniques de son époque. Il explore en effet l’utilisation du Polaroïd dès 1977. La démarche, qui implique d’ailleurs un passage à la couleur, se veut plus intime, voire rétrospective. Exemples des plans rapprochés, dont la publication From my Window sera dédiée à sa femme récemment décédée, véritable « outil de deuil » par lequel ses émotions les plus fortes transpirent.

À travers ces cinq grandes étapes d’une vie artistique florissante, le spectateur est donc invité et conduit à voyager au plus près du travail Kertész.
L’évolution de l’artiste semble logique, et la progression du spectateur au sein de la découverte de son œuvre est tout aussi fluide.
Une mise en scène à la lecture simple, qui permet un apprentissage tout en douceur. Le spectateur est flâneur, véritable écho à la poésie du travail de Kertész.

Ann-Flore.
246054.


André Kertész
Du 28 Septembre 2010 au 06 Février 2011
Galerie Nationale du Jeu de Paume
1 Place de la Concorde
75008 Paris

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