jeudi 11 novembre 2010

MOEBIUS TRANS-FORME

Fondation Cartier pour l'art contemporain
12 octobre 2010 – 13 mars 2011

Depuis sa la toute première jeunesse, il n'a jamais cessé d'explorer les infinies possibilités de création offertes par une imagination tellement explosive qu'elle n'a pas pu être contenue dans un seul crâne. Jean Giraud a du se faire accompagner par d'autres conteneurs d'imagination et par d'autres imaginaires, ceux de Moebius et de Gir, ses pseudonymes, ses autres soi-même, multiplicateurs d'idées et de ressources.
Le témoignage de la richesse et de la multiplicité de son œuvre est le propos principal de la première grande exposition qui lui a été jamais consacrée à Paris(1).
Axe centrale de l'exposition – choisi par Jean Giraud même, qui a participé à la réalisation avec Moebius Production – la métamorphose parcourt l'ensemble des espaces de la fondation.
Le rez-de-chaussé ouvre avec une panoramique de ses publications, de Bluberry - série western très populaire de 1963, née pour le magazine Pilote – à Arzach - publié entre 1975 et 1976 dans le journal Métal Hurlant - et au Garage hermétique, né, lui aussi, pour Pilote, en 1979.
Les différentes planches et dessins sont présentées grâce à un système de vitrines tout à fait cohérent avec l'esthétique des bandes-dessinées: une structure blanche, lumineuse et « protéiforme », un serpent qui se transforme en vaisseau spatial et qui rappelle le ruban de Möbius, mathématicien allemand qui en 1858 décrit ce ruban à une seule face qui à inspiré le pseudonyme de Moebius. « En passant de Giraud à Moebius, j'ai tordu le ruban, changé de dimension. J'étais le même et j'étais un autre. Moebius et la résultante de ma dualité ».(2)
Les planches originales nous dévoilent les différentes techniques de réalisation, ainsi que les corrections et les « pincements » qui ajustent certaines partie des dessins.
Le long du « ruban », une piste sonore accompagne les visiteurs dans la découverte des univers et des personnages de Gir/Moebius.
La création de cette ambiance sonore, très bien réussie, retrace en quelque sorte le flux de pensées, d'images et de mots formant ces univers changeants et, grâce à la mise en marche successive des enceintes, on a l'impression d'être suivi par la voix de l'auteur - qui nous raconte certains épisodes de son travail - ainsi que par des sonorités fluides et mystérieuses que l'on retrouve tout de suite après, dans la salle de projection.
Ici est présenté en avant-première le court-métrage en 3D La planète encore, adaptation d'une des histoires de la série Monde d'Edena de 1983 et réalisé en collaboration avec Geoffrey Niquet et BUF Compagnie.
Résultat d'une collaboration inédite sur les dessins de l'artiste, ce court-métrage devient, notamment grâce au 3D, une véritable immersion dans un monde extraterrestre et atemporel, où les personnages, silencieux, découvrent un temple abandonné et des êtres pétrifiés et où, grâce à un état proche à celui de la transe, ils rencontrent toute une population de créatures volantes qui déclenchent la floraison sauvage de la planète, avant désertique, et qui les oblige à s'enfuir sur leur fusée.
L'on retrouve ici certains éléments clés du travail de Moebius, récurrents dans la quasi totalité de ses œuvres et jouant un rôle fondamental dans son processus créatif:
« Lé désert, la méditation, le rêve, la transe ou encore les cristaux sont autant de conditions propices à la métamorphose, autant de « méta-processus » qui suscitent des changements de perception, emportant les personnages moebiusiens dans des transformations spectaculaires».(3)
La deuxième partie de l'exposition, au sous-sol, présente un accrochage diversifié et original, avec des reproductions de planches monochromes en très grand format, des petits formats en couleurs présentés sur des colonnes lumineuses au centre de la salle, de projections vidéo et de cadres « en nouage », le tout dans une ambiance très sombre et comme suspendue dans le temps et dans l'espace. Au milieu de la salle, un grand cristal, motif récurrent dans ses histoires. En petit format, proche à la carte postale, une série de dessins où figure la faune fantastique de Mars et où l'irréel et l'imaginaire deviennent possibles grâce à l'insertion dans un cadre quasi scientifique.
A clore l'exposition, une deuxième projection vidéo: Métamoebius, Giraud-Moebius métamorphoses, de Damian Pettigrew, coécrit par Jean Giraud et Oliver Gal en 2010: un documentaire inédit qui, encore une fois, nous donne à voir les multiples facettes de cet artiste passionné par les sciences et la nature, la philosophie métaphysique, l'astrophysique et la génétique,toujours en quête du   sens de la vie et de l'origine de l'univers.
                                                                                                                                      Giulietta Gabo

(1) L'œuvre de Jean Giraud avait déjà été présentée à la Fondation Cartier en 1999, dans le cadre de l'exposition 1 monde réel, dédiée au rapport entre réalité, fiction et science-fiction
(2) Jean Giraud, Moebius/Giraud: histoire de mon double, Édition 1, Paris, 1999
(3) Extrait du communiqué de presse de la Fondation Cartier

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