mardi 11 janvier 2011

Etre-en-commun : conscience intime



7.
Etre-en-commun : conscience intime de l'être


« Qu'est-ce qu'un corps, un visage, une voix, une mort, une écriture, pas indivisibles, mais uniques ? Quelle est leur nécessité singulière, dans la partition qui divise et fait partager les corps, les voix, les écriture en général et dans son ensemble ?1 », s'interroge Nancy.

Le temps artistique suspendu et contemporain est le temps de la contradiction. Nous percevons une lumière obscure qui, insaisissable, vient vers nous mais en même temps s'éloigne sans cesse2. Dans ce faisceau de lumière et des ténèbres qui nous appelle et nous interroge individuellement, l'art nous accueille dans une dimension communautaire.

La communauté se fond dans le moment où il devient possible la communication de l'expérience. Ce partage intime procède par absence : ce qui n'est pas dit – ce qui ne peut être dit – ce qu'il faut sacrifier devant une nouvelle exigence.

Sacrifice : origine et nécessité. Le rite sacrificatoire fond et inaugure la naissance de l'humanité et de la communauté. L'homme s'est sacrifié au nom d'un rituel. Celui qui achève le sacrifice, acte sacré devant un public anxieux, a transgressé et violé l'interdiction de l'homicide, en tuant une victime elle même consciente. Le sacrifice, moment de dépense par excellence, a crée une communauté dans laquelle la communication n'était possible que par la blessure de l'être, lacération de l'intégrité humaine.

Communauté est « être-en-commun »3 où l'homme, être immanent par excellence, se définit soit comme individualité, être particulier limité par le temps et par l'espace, soit comme communauté.

Mais l'identification individuelle et collective dans une pluralité, l'être-en-commun en effet – partage intime et originaire – doit être retrouvée et reconstruite. C'est la tâche de l'artiste. Il doit exprimer sa tension et sa nécessité vers l'autre, son être porte-parole des valeurs, questions, problématiques qui fondent et traversent la société dans laquelle l'individu est inséré.

Mais non seulement l'artiste. Chacun de nous est appelé à participer au sens : « communauté » est se présenter aux autres dans sa propre vérité mortelle, dans la finitude et la limite, dans la naissance et la mort4.

L'expérience d'un espace commun ouvre l'être humain à une communication qui transcende la finitude de l'être lui-même. Seulement la communauté donne espace, rythme et expérience, à un contact avec quelque chose qui se démarque de toute limite, qui est conscience intime de l'être.

Penser la communauté, dans le sens de rendre conscient cette exigence, réclame expérience, communication, mouvement de cette essence liminale de l'individu, très riche du potentiel. Agir. Etre dans la limite – l'être-en-commun de Nancy – est la puissance de l'homme. « Toucher, la transmission d'un tremblement au bord de l'être, la communication d'une passion qui nous rend semblables ou la passion d'être semblable, d'être en commun5 » : une contagion, pour Nancy.

1 Nancy Jean-Luc, La comunità inoperosa, Cronopio, Napoli, 2005, p.28.
2 Cfr. Agamben.
3 Jean-Luc Nancy, La comunità inoperosa. Nancy fait référence à l'« être-en-commun », lieu de l'« en-commun », les uns les autres, une con-partition dans le sens de réciprocité et de singularité ensemble.
4 Ibid., p.44.
5 Nancy Jean-Luc, La comunità inoperosa, cit., p.128.

Francesca Rolla

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