samedi 8 janvier 2011

the artist is présent: notes pour un manifeste du présentialisme en art

Être présent: être dans le monde et y agir, être mêlé à la réalité et y participer. Jouer un rôle, manifester avec force une idée. Être dans le lieu où l'on est et dont on parle. Être témoin, se montrer et se présenter. Être à la vue de, sous les yeux de. 
Être présent, pour un artiste, signifie s'immerger dans un système et dans une situation, prendre des risques, s'engager physiquement en côtoyant d'autres présents, pour participer au tentative de donner une représentation du monde, pour l'interroger et pour le raconter. 
Être présent, pour un artiste, signifie déclencher des réaction, fertiliser un terrain pour en faire surgir des idées, des questionnement, des réflexions, des sentiments, des émotions.
L'artiste est un catalyseur d'expériences auxquelles seul le spectateur peut donner sens.
L'action d'un artiste peut avoir lieu - peut fonctionner - dans la mesure où il existe la réponse d'un public appeler à la saisir, à la comprendre et à comprendre, à travers elle, d'autres œuvres et d'autres expériences.
Le fonctionnement de l'action de l'artiste - que l'on pourrait appeler œuvre d'art - est fortement lié a ce que Nelson Goodman appelle l'implémentation des œuvres d'art. 
"L'implémentation d'une œuvre d'art peut être distinguée de son exécution[...]. Un roman est achevé lorsqu'il est écrit, une peinture lorsqu'elle est peinte, une pièce lorsqu'elle est jouée. Mais un roman laissé dans un tiroir, une peinture rangée dans une réserve, une pièce jouée dans un théâtre vide n'accomplissent pas leur fonction. Pour fonctionner, le roman doit être publié d'une manière ou d'une autre, la peinture montrée de façon publique ou privée, la pièce présentée à un public. La publication, l'exposition, la production devant un public sont des moyens d'implémentation -  et des manières de faire entrer les arts dans la culture. L'exécution consiste à faire une œuvre, l'implémentation consiste à la faire fonctionner".(1)
Un vaste système de facteurs peut intervenir dans la façon dont une œuvre agit et fonctionne et normalement réalisation et activation sont deux phases clairement distinguées dans l'espace et dans le temps. Les facteurs que comporte l'activation des œuvres d'art peuvent la mettre en danger, peuvent modifier ses conditions d'existence, peuvent l'altérer et modifier même l'intention originaire de l'artiste. C'est ici qui naît le paradoxe fondamental des œuvres d'art: l'activation et la conservation sont deux exigences antagonistes, vivre signifie mourir.
Pendant mon stage comme assistante d'un des chefs de projets de médiation au Centre Georges Pompidou, nous organisions des soirées avec des jeunes artistes danseurs, musiciens, plasticiens et performers,  invités à investir les espaces du MNAM  pour activer les œuvres de la collection permanente. Lors de longues et exténuantes réunions de faisabilité, les conservateurs du Musée assumaient le rôle de gardes du corps des œuvres, êtres fragiles et précieux qui devaient être mis à l'abri de tout assaut à leur intégrité. Autant de les laisser dans l'obscurité des réserves, loin des regards et des pensées agressifs du public!
Le paradoxe est donc bien réel: afin de rendre possible le fonctionnement d'une œuvre (sa vie) il peut arriver que l'on met en danger son existence matérielle (sa mort), alors que les mesures prises pour pour la protéger(sa vie) peuvent ramer contre son activation au profit du public(sa mort).

La seule forme d'art qui peut résoudre ce paradoxe, car elle ne sépare pas le faire du faire fonctionner, est la performance.
Exceptionnellement l'activation de l'œuvre d'art est effectuée par le même artiste et cela au  même moment et dans le même espace de la création.
Tous les facteurs qui peuvent être mis en place pour activer la performance et tous les autres éléments de la représentation, font partie de sa réalisation, car elle n'existe et n'est achevée que dans cet espace-temps unique qui est propre à l'acte performatif, en relation étroite avec la présence de l'artiste et celle du public.

giulietta gabo



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(1) Goodman, Nelson, Of Mind and Other Matters, Cambridge et Londres, Harvard University Press, 1984, p.142.







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